TRIBUNE accueille mes points de vue convivialiste liés à l'actualité.
ARCHIVES 2015
Avec la logique libérale, l'agriculture européenne a dévié de ses objectifs. -- (Septembre)
Eleveurs et abattoirs de porcs bousculés dans la compétition mondiale. -- (Août)
Le révélateur grec. -- (Juillet)
Attendre un mieux du ruissellement ou mieux partager ? -- (Juin)
Les 70 ans de la fin de la guerre au Japon -- (Mai)
Faut-il démanteler Google ? -- (Mai)
La confusion nucléaire au Japon. -- (Mars)
Eloge du département. -- (Mars)
Pour s'en sortir: proclamons et vivons notre interdépendance. -- (Janvier)
Maintenant, aller plus loin. -- (Janvier)
Pour un progrès économique durable -- (Janvier)
Cop 21: tous les progrès de l'humanité exigent de la persévérance.
Tribune publiée dans Ouest-France des 19-20 décembre 2015Le principal résultat de la COP 21, la conférence climat qui s’est conclue sur un accord samedi à Paris c’est qu’elle nourrit des raisons de persévérer. Toutes les avancées de l’humanité exigent de la persévérance.
Prenons la question de la faim dans le monde. Un grand et ancien chantier pour notre humanité, lancé en 1905. Quarante pays ont alors créé, à Rome, l’ancêtre de la FAO (l’organisation des nations unies pour l’agriculture et l’alimentation).
Cette action longue, relayée de différentes manières, a buté sur de nombreux obstacles. Aujourd’hui encore plus de 800 millions de personnes sont mal nourries. Mais ce chiffre baisse, alors que la population mondiale augmente.
A l’issue de la Première Guerre mondiale, fut créée la Société des nations, la SDN, pour organiser la paix et la prospérité collective. Pensant que, pour obtenir la paix, il fallait plus de justice, la SDN mit sur pied l’Organisation Internationale du Travail (OIT) qui a amélioré inlassablement les conditions des travailleurs : interdiction du travail forcé, réglementation des conditions d’âge, de durée du travail, définition du travail décent ...
Autant de conventions proposées par l’OIT à la signature de tous les Etats pour que partout soit respectée la dignité de chacun et que chacun puisse bénéficier des justes fruits de son travail. Il faut ici encore persévérer.
Aussitôt après la Seconde Guerre mondiale, l’ONU a repris le chantier de l’humanité. La déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, le renforcement de la FAO et de l’OIT poursuivent les actions anciennes. Mais seuls cinquante et un Etats étaient indépendants tandis que le monde restait sous domination coloniale, vivant dans le dénuement.
En 1960, l’ONU ouvre le droit à l’indépendance et lance, en 1961, une première décennie pour le développement, suivie d’autres. La seconde affiche, en 1970, l’objectif d’une aide des pays riches à hauteur de 0,7% de leur PIB. Hélas, on est encore sous 0,4% et en 2015, l’ONU doit lancer des objectifs du développement durable. Mais désormais presque tous les peuples disposent d’eux-mêmes : il y a maintenant 197 Etats reconnus par l’ONU.
Le chantier de la COP21 a été inauguré en 1972 (à Stockholm). L’ONU veut alors que les peuples du monde joignent leurs efforts en vue de préserver et d'améliorer l'environnement. Le premier sommet de la Terre, en 1992 à Rio, lance l’idée et les agendas de développement durable, mais les actions sont lentes.
En 2002, la phrase de Chirac (à Johannesburg) a conquis la planète : « la maison brûle et nous regardons ailleurs ». En 2015, Les sceptiques sont devenus rares, tout le monde reconnait que la maison brûle, tout le monde est d’accord pour faire quelque chose. C’est le résultat de la COP 21 et cela nous invite à persévérer.
Pour décider de laisser les ressources fossiles dans le sol, préserver l’eau et promouvoir la biodiversité. Pour réduire drastiquement les consommations d’énergie en particulier dans les pays les plus dévoreurs. Pour aider les peuples dont les besoins réels sont mal couverts à trouver et suivre un chemin pour les satisfaire, sans aggraver le réchauffement climatique et la dégradation de l’environnement. Persévérons !
Marc Humbert
Professeur d’économie politique à l’université de Rennes.
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Avec la logique libérale, l'agriculture européenne a dévié de ses objectifs.
Tribune publiée par Ouest-France le 9 septembre 2015L’agriculture reste pour toute société un bien commun essentiel. Pour cette raison, elle a été de tout temps et en tout lieu, l’objet d’une attention protectrice. L’Europe l’a fait collectivement à partir de 1962, sous la pression de la France, mais s’est désormais engagée, depuis 25 ans, sous la pression américaine, sur la voie de la libéralisation.
Il faut dire que ses actions avaient dévié de leur objectif. Au lieu de protéger l’agriculture pour qu’elle nourrisse de façon saine et diversifiée les Européens, elle visait à pousser sans limites la production en subventionnant s’il le fallait l’exportation des excédents.
Elle l’a fait bien au-delà du nécessaire pour couvrir l’importation de produits tropicaux qu’elle ne peut produire et qu’elle souhaite consommer. Elle a ainsi affaibli l’agriculture vivrière de nombreux pays africains et aggravé la situation de l’environnement. Mais on ne peut laisser les marchés plus ou moins spéculatifs décider des échanges et des productions agricoles : c’est pourtant cela que l’Europe a accepté.
C’est ce dont souffrent aujourd’hui les éleveurs de porcs et les abattoirs, en particulier en Bretagne. Les marchés mettent les prix du porc à un niveau qui correspond à une production industrielle calculée en 2011 par des membres de l’institut français du porc et de la chambre d’agriculture de Bretagne (1) comme nécessitant une taille optimale de 500-600 truies.
Malgré la disparition, ces dernières années, de milliers d’élevages parmi les plus petits, sur les 8 000 élevages traditionnels qui restent, nous n’avons pas 300 élevages de plus de 500 truies en France. Cette étude évaluait à 3 milliards d’euros le montant des investissements nécessaires à la mise à niveau des élevages français : c’est ce que les représentants de la FNSEA réclament à nouveau aujourd’hui.
Les abattoirs quant à eux emploient des salariés dans des conditions qui ne sont pas celles de leurs concurrents allemands, avec notamment de nombreux travailleurs étrangers « détachés ». En outre ils fonctionnent avec des échelles différentes. La coopérative Cooperl, montrée du doigt, est un nain malgré ses 5 millions de porcs, face à l’allemand Tönnies Fleisch qui pèse 15 millions de porcs quand Danish Crown en fait 18 millions. Mais le nombre de porcs ne croîtra pas indéfiniment, et il faut s’attendre ici comme ailleurs et comme cela a commencé à un processus de concentration. L’Ouest a déjà vu ce processus avec la triste histoire de GAD et AIM.
C’est la loi du marché. L’alternative c’est la politique et les institutions. Où en est l’objectif de Grenelle de 20% d’agriculture bio ? Si on cherche un label, mieux vaudrait le label Bio-local, aussi bien pour la santé des consommateurs (et la sécurité sociale) que pour la survie des éleveurs et des abattoirs. Les exemples de fermes familiales font rêver plus d’un éleveur et plus d’un consommateur. D’autres citoyens, en AMAP, se régalent grâce à leur éleveur de porc. Pour aller dans cette direction il faudrait un sursaut éthique et politique.
Marc Humbert
Professeur d’économie politique à l’université de Rennes.
(1)Innovations Agronomiques 17 (2011), 109-124 Retour haut de page
Eleveurs et abattoirs de porcs bousculés dans la compétition mondiale.
Tribune postée sur altersocietal le 11 août 2015La crise des éleveurs, après celle des abattoirs, illustre un mouvement qui est inexorable si un sursaut éthique et politique ne vient y mettre un terme : l’agriculture familiale, la qualité des produits et de l’environnement, la petite taille, un revenu décent n’ont pas leur place dans un monde poursuivant la performance mondiale en prix de marchés « libres ».
Au terme d’une analyse approfondie publiée en 2011 par des membres de l’institut français du porc et de la chambre d’agriculture de Bretagne (de Rennes et de Plérin)* , il est affirmé que la taille optimale d’un élevage est de 500-600 truies, en particulier en Bretagne où il faut une station de traitement du lisier. La situation présente et l’évolution récente semblent corroborer ces résultats. D’après le recensement il y avait encore en France, en 2010, 2661 élevages de porcs de plus de 150 truies sur les 2 900 qui existaient en 2000, mais en revanche, sur les 11 500 qui, en 2000, avaient moins de 150 truies, il n’en restait plus que 6 300 : cinq mille « petits » élevages de porcs ont disparu en dix ans. Mais les plus de 150 truies ne sont pas assez grands : parmi eux, en 2010, seuls 275 élevages comptaient plus de 500 truies, la taille « recommandée ». Pour aider la montée en taille, les autorités ont autorisé en 2010 des porcheries « industrielles » jusque 2 000 porcs ou 750 truies, pour l’accompagner il faudrait d’après l’étude citée 3 milliards d’euros.
Le prix du porc permettant le maintien des « petites » structures a grimpé avec les prix des aliments (dont le blé) qui sont restés très élevés depuis 2008. Ce prix du porc met en danger les abattoirs : les salariés de GAD puis d’AIM en ont fait les frais, d’autres abattoirs réduisent leur voilure. Nos abattoirs pêchent eux aussi, non seulement parce que les porcs locaux sont chers, mais aussi par leur propre taille : Cooperl, malgré ses 5 millions de porcs est un nain face à l’allemand Tönnies Fleisch qui pèse 15 millions ou au roi Danish Crown qui fait 18 millions.
Cooperl, comme les autres abatteurs français se plaignent en outre du coût du travail qui serait, charges incluses, trois fois plus élevé qu’en Allemagne. Le porc que les salaisonniers vendent en charcuterie, sans indications de provenance, vient souvent d'un approvisionnement étranger moins cher et la balance commerciale du porc français est négative vis-à-vis de l’Union Européenne et dans son ensemble. La grande distribution qui prétend à l’envi qu’elle « écrase les prix » n'en fait pas moins croire qu’elle entend ne pas écraser les producteurs.
Le gouvernement rêve que le consommateur achète français, plus cher, il faudrait en premier qu’il lui redonne du pouvoir d’achat. Que n’aide-t-il pas par ailleurs la conversion des petits éleveurs à l’élevage bio, de plus petite taille, pour des porcs et des jambons plus gouttés et sans phosphates. Les consommateurs en meilleure santé seraient bien heureux de pouvoir se les offrir. La ferme familiale des Pifaudais de Bernard Buet (à Quévert dans les Côtes d’Armor) a fait rêver plus d’un éleveur et plus d’un consommateur de biocoop quand un journaliste** en a décrit le fonctionnement. D’autres citoyens, en AMAP, se régalent grâce à leur éleveur de porc. Pour aller dans cette direction il suffit d’un sursaut éthique et politique. Allez M Le Fol, c’est cela ou la disparition soit de 5 000 éleveurs soit de 10 000 emplois dans les usines.
Marc Humbert
Professeur à l’université de Rennes.
*Innovations Agronomiques 17 (2011), 109-124
**La Croix, 18 janvier 2014.
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Le révélateur grec.
Tribune postée sur altersocietal le 21 juillet 2015La manière dont a fonctionné l’Europe lors de la crise grecque est un révélateur de l’impasse où se trouve le processus de la construction européenne.
Nous voilà à mille lieux de l’idéal qui avait motivé cette construction. Il s’agissait alors d’un changement radical : renouveler les relations entre les Etats-Nations et remplacer la guerre comme moyen de régler des différends, par l’organisation de formes nouvelles de solidarité entre les peuples, entres les nations, leurs Etats, leurs gouvernements. Il s’agissait de cheminer vers une Europe confédérale ou fédérale, une forme ou une autre qui fasse échapper notre continent à ces millénaires de guerre fratricides, pour beaucoup il s’agissait de se retrouver dans une Europe qui évoquait celle de Charlemagne et de la chrétienté romaine d’occident.
Le contexte des années cinquante et de la guerre froide était aussi celui de la croissance rapide – dont ont bénéficié, à peu près aux mêmes rythmes, tous les pays, qu’ils soient ou non au sein du club qui allait devenir l’Union Européenne – et l’Europe c’était cela. La Paix en particulier entre la France et l’Allemagne et une solidarité qui consistait essentiellement à s’épauler dans la poursuite de la croissance et la mise en œuvre de politiques keynésiennes et sociales au sein d’une union douanière et d’un marché plus ou moins commun (il faudra passer au marché unique où s’épanouissent encore de grandes diversités ne serait-ce qu’en termes de taux de tva) sans réel partage entre participants, ce qui aurait exigé un budget commun conséquent : le budget européen ne fait que 1% de l’ensemble des budgets nationaux. Chacun chez lui continue à parler sa langue, à pratiquer la solidarité dans le cadre national- hormis les agriculteurs qui allaient à Bruxelles (les deux tiers du maigre budget européen leur sont dédiés). Aujourd’hui, du fait de ce que révèle la crise grecque, ils manifestent chez nous.
Tant que la croissance était là, pour tous, au sein de l’Union Européenne en formation, même si elle prenait des rythmes différents, le camp des pro-européens continuait à rassembler assez largement en dehors des nationalistes frileux. On y trouvait en particulier tous ceux qui voyaient dans ce projet une aventure de construction d’une solidarité forte entre les nations. Le contexte de la mondialisation avec l’exacerbation de la concurrence entre les Etats-nations et l’épuisement tant de la productivité que de l’environnement ont fait chuter la croissance en Europe. Son économie cahotante, loin de devenir en 2010 la plus compétitive du monde (promesse faite en l’an 2000 par la stratégie de Lisbonne) a buté sur la crise de 2008 venue des Etats-Unis.
L’Allemagne n’avait pas attendu cette crise pour mettre en œuvre une politique néolibérale forte avec en particulier les lois Hartz (de 2000 à 2005) organisant le précariat du travail. L’Europe dans son ensemble a essayé en 2005 de fixer, dans le marbre d’un texte à prétention constitutionnelle, à côté de mesures souhaitables, la soumission inconditionnelle de sa politique économique à la loi des marchés. Le refus par exemple du peuple de France n’a fait que déclasser de catégorie ce texte : il devient le traité de Lisbonne décidé en 2007. Ainsi face aux crises, si le renflouement des banques a été fortement coordonné, l’essentiel de la solidarité pour les populations a dû être organisé et financé par chaque nation, en organisant l’austérité et en cheminant sur un sentier de réformes guidé par le TSCG (traité sur la stabilité, la coordination et de la gouvernance) de 2012.
La crise grecque révèle cette impasse où se trouve le processus de la construction européenne. Les décisions y doivent être conformes au TSCG, c’est-à-dire à la croyance que l’on retrouvera la croissance, et que celle-ci viendra – comme le fait croire une vision tronquée du cas allemand- en précarisant l’emploi, en réduisant le train de vie des populations, en préservant la bonne santé des banques. Un certain nombre d’analystes jusqu’ici favorables à ce type de raisonnement – dont les experts du FMI- ont beau affirmer dorénavant que l’austérité est contre-productive, la doxa européenne a montré son intransigeance lors de cette crise grecque.
On est ainsi loin d’essayer de construire une Europe qui tienne compte de ce qu’il n’est pas raisonnable d’espérer le retour d’une forte croissance pour renouveler des formes de solidarités entre les peuples, on est loin de construire une véritable communauté politique européenne qui aurait besoin d’une autre idéologie que celle du fondamentalisme des marchés qui sous-tend le TSCG. Il faudrait à n’en pas douter s’appuyer sur des principes tels que ceux du Manifeste convivialiste – qu’on retrouve de fait, pas toujours organisés de la même manière, en maints autres écrits, comme celui de la dernière encyclique du Pape François. On traiterait alors aussi de manière différente d'autres situations dramatiques comme l’afflux des populations immigrées.
Marc Humbert
Professeur à l'université de Rennes 1, il y assure un cours sur l’Histoire de la construction européenne.
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Attendre un mieux du ruissellement ou mieux partager ?
Tribune postée sur altersocietal le 19 juin 2015Peut-on continuer à attendre des effets de « ruissellement » pour obtenir l’amélioration de la situation du plus grand nombre ou faut-il se décider à organiser autrement le partage des fruits de nos efforts ? Au vu de la dernière note de discussion du FMI on devrait certainement songer à changer de méthode.
Le concept de ruissellement (trickle-down effect) introduit par des économistes, sert à expliquer que l’élévation des revenus les plus élevés a des effets, en cascade, vers les couches de revenus moins élevés. Ainsi à travers les dépenses des plus riches, la croissance est dynamisée, ce dont tout le monde profite. Cet effet de ruissellement a servi à justifier moralement les politiques libérales depuis les années Reagan et Thatcher. Son efficacité est supposée plus grande si le marché du travail est plus libre. Des institutions qu’on ne peut taxer de parti pris anti libéral publient des travaux qui contredisent la performance de cet effet de ruissellement et de la libéralisation du marché du travail. Ainsi l’étude publiée en juin par le FMI montre que la croissance du PIB se ralentit quand la part des plus hauts revenus (des 20% les plus riches) s’accroît de 1% tandis que si ce sont les revenus les plus faibles qui s’élèvent de 1%, la croissance du PIB est accélérée. Cela corrobore les résultats que l’OCDE avait publiés à la fin de l’an dernier, montrant que l’augmentation des inégalités avait réduit la croissance dans tous les pays riches. Les mesures de flexibilisation du marché du travail qui sont censées améliorer la situation de l’emploi et des revenus amènent en fait, selon les travaux du FMI, à amplifier les inégalités en favorisant l’élévation de la part des hauts revenus.
Si on ne peut attendre des effets positifs de ruissellement, il faut donc se décider à changer de méthode. On s’attend à ce que 2015 ait connu en France 1,2% de croissance, mais cela se produit sans pour autant réduire le chômage et alors que les inégalités se sont fortement accrues depuis 2007, comme le montre le récent rapport de l’Observatoire des inégalités. Les leçons de ces travaux c’est qu’il faut relever les bas revenus. De manière directe, via le salaire minimum et autres dispositifs et par l’encadrement du marché du travail. De manière indirecte, par la redistribution, c’est-à-dire principalement par l’impôt. Il faut certes aussi réfléchir à d’autres manières de partager les fruits qui résultent des efforts de tous. C’est d’autant plus indispensable que la croissance elle-même ne sera plus jamais ce qu’elle a été. Qui plus est, elle contribuerait à la destruction de la planète. Ce sont des réformes qui réduisent les inégalités et qui réorientent nos manières de produire, dont nous avons besoin. Elles rencontreraient certainement l’adhésion populaire qui ne peut que manquer à ce qui est élaboré de force par le gouvernement sur cette hypothèse fallacieuse du ruissellement.
Abandonnons le vain espoir du ruissellement et organisons un vrai partage.
Marc Humbert
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Les 70 ans de la fin de la guerre au Japon
Tribune postée sur altersocietal le 8 mai 2015La fin de la guerre n’a eu lieu en Asie que le 15 août 1945, après la reddition du Japon. Sa défaite était déjà acquise, quand se sont abattues, sur son peuple, deux bombes nucléaires les 6 et 9 août 1945. Le peuple japonais avait subi depuis le début des années trente un gouvernement militariste nationaliste, ultra-autoritaire et enrôlant une armée de soldats endoctrinés, manipulés, par un culte aveugle de l’empereur du Japon, élevé au rang d’une divinité. Le peuple a en outre subi des bombardements faisant des centaines de milliers de victimes civiles, rasant Tokyo et de nombreuses villes, bombardements tout aussi excessifs que d’autres comme ceux sur Dresde en 1945, comme le signale Alfred Grosser (Ouest-France du 8 mai). Un peuple subissant une présence américaine non exempte d’exactions et en particulier de viols (et encore aujourd’hui à Okinawa en particulier).
La voix entendue du Japon aujourd’hui n’est pas celle de son peuple, mais celle des héritiers des militaristes nationalistes d’avant 1945, auxquels le gouvernement américain a redonné le pouvoir après avoir abandonné l’idée d’en purger le pays, quand ils ont craint que le peuple japonais choisisse le socialisme ou pire le communisme.
On s’attend à ce que le Japon à l’occasion du 70ème anniversaire de la fin de la guerre fasse par la voix de son premier ministre Abe, une déclaration officielle qui ne soit pas de nature à amener une véritable réconciliation en Asie. Il semble que la commission constituée pour préparer cette déclaration ne suggère pas que le Japon exprime ses excuses pour les agressions qu’il a fait subir aux peuples d’Asie de 1937 à 1945. De la même manière il ne semble pas envisagé de faire des excuses encore moins de dédommager les femmes de réconfort, principalement des Coréennes, contraintes à assouvir les besoins sexuels des soldats de l’armée impériale en guerre. Cela alimente la guerre froide qui continue en Asie entre le Japon soutenu par les Etats-Unis (ils y ont 55 000 hommes) et les autres pays d’Asie, principalement la Chine et la Corée du Sud, pas seulement la Corée du Nord.
Peut-être serait-il bon de distinguer le point de vue des Japonais, celui du peuple japonais, de celui de leur premier ministre ABE, à la tête du Parti Libéral Démocrate (PLD), parti constitué avec l’aide des Américains qui ont stoppé la purge des criminels de guerre pour éviter que le Japon ne devienne communiste. Eh oui, avec le soutien américain, Kishi le grand-père de Abe, à peine sorti de prison est devenu 1er ministre, reçu triomphalement aux Etats-Unis, puis poussé à la démission par le peuple japonais en 1960. Mais le peuple a été calmé par Sato, le grand oncle de Abe, endormi par une forte croissance économique qui a diffusé largement un enrichissement matériel. Les Japonais pensaient aussi être protégés d’un retour du militarisme par l’idéal démocratique américain qui les surveillait et qui les avait dotés d’une constitution démocratique confiant sa sécurité à l’ONU.
Le PLD a dominé la vie politique au Japon depuis lors, sauf deux petits intermèdes : lors du premier, en 1995, Murayama, 1er ministre socialiste, a présenté, il y a 20 ans, les excuses du Japon aux peuples d'Asie et ses regrets aux femmes de réconfort recrutées pour l'armée impériale. Jusque 2007 les premiers ministres successifs, du PLD, dont le dernier, Koïzumi, ont soutenu ces femmes. Mais, dans le même temps, ce dernier a repris l'hommage annuel aux mânes des criminels de guerre, associés à celles de tous les morts pour la grandeur du Japon. Abe a fait de même en décembre 2013 déclenchant les vives protestations de la Chine et de la Corée. Il veut en outre modifier l’article 9 de la constitution, pour que le Japon ne se contente pas de forces de légitime défense, mais puisse agir militairement à l’extérieur du Japon.
Les Japonais ont manifesté leur opposition à ce projet le 3 mai dernier en se rassemblant massivement à plus de 30 000 à Yokohama (près de Tokyo). Le prix nobel Kenzaburo Oé et quelques autres dont le Pr Higuchi, (constitutionnaliste natif de Sendaï et à l'origine du jumelage de cette ville avec Rennes) ont dénoncé ce projet. Un sondage du quotidien Asahi montre que plus de la moitié des Japonais sont favorables au maintien de l’article 9.
Cette attitude belliqueuse n’est pas celle du peuple japonais mais celle de Abe et du PLD. Certes ils ont été élus par le peuple, mais à la majorité de ceux qui sont allés aux urnes : on peut le déplorer, mais ici plus encore que chez nous, les citoyens n’attendent plus des politiques qu’ils suivent leurs indications et environ la moitié d'entre eux ne vont pas voter. La majorité des Japonais est également hostile au redémarrage des centrales nucléaires. Pourtant malgré les incitations de Mme Merkel en visite début mars, tant à se réconcilier avec la Chine qu’à sortir du nucléaire, Abe poursuit sa restauration des idéaux d’avant-guerre d’un beau et puissant Japon sur la scène mondiale. Au grand dam de la majorité du peuple japonais et même de l’empereur actuel : il n’a plus de pouvoir, mais il a montré à de nombreuses occasions son souci de présenter des excuses pour une réconciliation en Asie et son soutien à l’article 9.
Pr Marc Humbert, ancien directeur de la Maison Franco Japonaise (Tokyo, 2008-2012) Retour haut de page
Faut-il démanteler Google ?
Tribune postée sur altersocietal le 3 mai 2015En avril 2015, des medias titraient « La commission européenne déclare la guerre à Google » pour commenter la décision de poursuite du géant pour entrave à la concurrence. Pourquoi ce titre quand Google risque au plus une amende, et certes pas d’être démantelé ?
D’ailleurs peu de monde considère Google comme une menace car Il fournit avec des services gratuits de réelles satisfactions : par son moteur de recherche, son Gmail, son Youtube, Google Maps etc. Mais si c’est gratuit, comment Google est-il devenu un géant économique mondial avec 60 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 14 milliards de bénéfices mal assujettis à l’impôt ? C’est que nous sommes une ressource en or pour Google. Nous offrons nos données gratis, c’est-à-dire nos profils, nos recherches, nos listes d’achats, notre géolocalisation précise. Il les vend aux annonceurs pour adapter en temps réel la publicité à notre situation et nous inciter efficacement à l’achat. Les pages visitées après avoir cherché tel produit sont ornées de publicités idoines et nous recevons des SMS de promo. Impossible de visionner la bande annonce de tel film sans devoir ingérer une video de pub et voir défiler des bannières. Notre libre choix est piloté, notre vie privée exploitée, notre liberté individuelle menacée. Ces données offriraient à un Etat Big Brother l’historique de nos faits et gestes et les moyens d’éviter toute contestation politique.
Internet irrigue nos économies et restructure nos sociétés comme le firent au 19ème siècle le chemin de fer et le pétrole, mais alors les Etats-Unis mirent le holà aux monopoles et aux ententes grâce au Sherman Act. Depuis la scission d’ATT en 1984, le vent a tourné ; Microsoft a échappé grâce à Bush au démantèlement décidé sous Clinton et nous maintient sous les mises à jour de Windows. Les poursuites envisagées aux Etats-Unis contre Google n’y ont pas été engagées et désormais le gouvernement s’y allie avec les puissances d’internet. Elles collaborent à la sécurité intérieure, et plus : on l’a vu avec les écoutes des gouvernements européens par la NSA qui s’appuie sur la collaboration de ces géants d’internet. A tel point que les banderilles posées par le parlement et la commission européenne entrainèrent la réaction d’Obama. En février il déclarait des Européens « ce qui est décrit comme des prises de position nobles est en fait juste une manière de placer leurs intérêts commerciaux ».
Pour Nicolas Baverez, éditorialiste au Point, il faut démanteler Google qui menace la concurrence, les libertés individuelles, le capitalisme, les Etats. Selon le consultant FaberNovel, il faut cibler l’oligopole « GAFA » (Google, Apple, Facebook, Amazon.) Il gère 55% de la vie numérique planétaire et en oriente l’évolution en prenant seul des décisions guidées par l’objectif de s’enrichir en connectant toute l’humanité. Elle y trouvera des satisfactions mais harcelée de publicité, pilotée sans être consultée et mise sous surveillance. Ensorcelés par les délices d’internet, allons-nous laisser ce scénario se poursuivre ?
Marc Humbert
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La confusion nucléaire au Japon.
Tribune postée sur altersocietal le 15 mars 2015Quatre ans après la catastrophe, la centrale daï-ichi de Fukushima est en cours de démantèlement dans un contexte confus. Les cœurs de trois réacteurs ont fondu et échappent à une maîtrise réelle pour des dizaines d’années. Il faut les asperger chaque jour de 350 tonnes d’eau qui rejoignent les sous-sols déjà inondés par les ruissellements. L’opérateur TEPCO en récupère une partie, la décontamine partiellement et la stocke provisoirement : 600 000 tonnes s’accumulent avec 250 000 mètres cubes de déchets radioactifs (une broutille vu les 30 millions de mètres cubes à traiter ici et là). Pour en revenir à l’eau il faut aussi compter avec celle - devenue elle aussi radioactive, qui se faufile jusqu'à la mer déjouant les tentatives de l'en empêcher : l'océan pacifique a déjà retrouvé le niveau de radioactivité connu dans les années soixante, lors des expériences atomiques atmosphériques.
Bien peu des 120 000 évacués de Fukushima envisagent un retour; le gouvernement continue une décontamination - inefficace- et croit persuader que vivre avec une radioactivité inférieure à 20msv par an est sans danger. La promesse d'un retour à la normale internationale de 1msv est oubliée. Des couples âgés et des agriculteurs sont certes revenus sur les terres ancestrales avec l'espoir d'en extirper la souillure radioactive. Dans les zones non évacuées, le niveau de radioactivité permet presque partout d'obtenir des produits sous le seuil officiel de 100bq/kg ce qui est supposé autoriser une ingestion (à long terme?) sans risque accru de cancer.
Presque cent cancers de la thyroïde ont été détectés chez les enfants de Fukushima et traités par la chirurgie. Les autorités déclarent que ce taux de prévalence, plus de dix fois les taux moyens, n'est pas dû à la radioactivité, mais au fait que le dépistage a été systématique et que ces cancers auraient pu ne jamais se "déclarer". On comprend que les populations de Fukushima, des environs et même du reste du pays soient cependant affectées psychologiquement.
Seul un tiers des Japonais sont en faveur du redémarrage des réacteurs, tous arrêtés depuis septembre 2013. Testés selon de nouvelles normes, quatre ont obtenu l'agrément technique, deux ont même le feu vert des autorités locales, mais les opérateurs attendent celui du gouvernement qui préfère reporter sa décision après les élections locales d'avril.
Malgré l'opinion publique et les appels répétés de personnalités, intellectuelles comme Kenzaburo Oé ou politiques comme les anciens premiers ministres, Naoto Kan (du Parti démocrate du Japon, centre gauche) au pouvoir pendant la catastrophe ou Jun Ichirô Koïzumi (du Parti Libéral démocrate, premier ministre de 2001 à 2006), ancien mentor de l'actuel premier ministre, Shinzo Abe, celui-ci mène une politique de puissance, dont l'énergie nucléaire est une composante.
En visite au Japon en mars, Angela Merkel a rappelé que l'Allemagne a décidé de sortir du nucléaire suite à Fukushima. Elle a aussi rappelé que l'Allemagne a officiellement regretté son passé et s'est réconciliée avec ses voisins. Ce n'est pas dans l'esprit de Shinzo Abe qui, cherchant à faire à nouveau du Japon une puissance militaire, est hostile à l'expression d'un regret concernant les atrocités perpétrées en Asie, et, bien au contraire, encourage ses partisans à honorer les âmes des criminels de guerre au temple Yasukuni qu'il a lui-même visité en décembre 2013. La voie de sortie du nucléaire bute au Japon sur la soif de puissance.
Marc Humbert
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Eloge du département.
Tribune postée sur altersocietal le 5 mars 2015Entre l’individu et cette mondialisation qui submerge, bouscule et fascine, faut-il mettre quelque chose ? Pouvons-nous interagir librement entre tous « citoyens du monde », circuler librement à travers la planète, installer notre bivouac ou notre maison où bon nous semble et échanger avec les uns et les autres les produits de nos activités ?
Non. L’humanité est formée de groupes, chacun installé sur un territoire limité et censé protéger ses membres, en assurer le bien-être et gérer les relations avec les autres groupes. Des règles explicites ou coutumières encadrent nos interactions dans chaque groupe, d’autres gouvernent les relations entre les groupes, entre les territoires. L’humanité est principalement subdivisée aujourd’hui en 192 Etats, certains immenses en territoire et en population, comme la Chine, d’autres petits et peu peuplés comme le Bhoutan, chacun avec un siège et une voix à l’assemblée générale de l’ONU. Y-a-il un accord unanime sur une échelle pertinente de taille de territoire et de population pour former un groupe humain relativement autonome en interdépendance avec les autres groupes humains sur la planète ? Le département ?
Non. Toutefois l’Etat trop grand a créé partout des subdivisions, des sous-groupes selon un découpage territorial. Quel pourrait être le guide de ce découpage ? Si le schéma d’organisation des interactions entre les individus est celui de la hiérarchie, de la dictature, on peut envisager une grande taille : pire, l’histoire a montré que ces hiérarchies visent la création d’empires les plus vastes possibles au moyen de luttes politiques et guerrières. Le contexte de la lutte économique pour la performance techno-économique a reproduit le même phénomène : nous avions construit l’Europe pour la paix, mais très clairement depuis 2005, ceux qui la font évoluer visent la compétitivité pour gagner la bataille économique mondiale (peu importe les malheurs des Grecs). Ils envisagent même des blocs encore plus larges, pour les mêmes raisons : c’est le grand accord commercial, dit TAFTA, avec les Etats-Unis. En France, le nouveau découpage territorial des régions a été explicitement motivé par le même argument : faire des régions de taille suffisante pour la bataille économique et la compétitivité à l’intérieur de l’Europe.
Où sont les objectifs du bien vivre ensemble et de la démocratie, de décisions prises par les citoyens assemblés, avec des représentants qui les rencontrent et les connaissent ? Les départements sont cette administration à l’échelle humaine, avec des cantons de plusieurs petites communes ou regroupant des hameaux autour d’une commune plus grande. Les métropoles pourraient avoir le statut de département spécifique. Chaque citoyen aura à proximité les services publics essentiels à sa vie quotidienne. Le principe de subsidiarité - traiter tout problème d’organisation à l’échelon territorial pertinent- demeure et justifie tant l’Etat que l’UE. Mais si l’UE gère l’euro, le département peut gérer une monnaie complémentaire, comme le Galléco en Ille et Vilaine. Vive le département !
Marc Humbert
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Pour s'en sortir: proclamons et vivons notre interdépendance.
Tribune postée sur altersocietal le 17 janvier 2015Les schémas de pensée anciens ne permettent pas de prendre toute la mesure de ce que la France vient de vivre. Les commentateurs ne livrent pas l’analyse pertinente qui nous permette de comprendre comment se sortir de ce qui semble un piège. Tout reste confus malgré leurs efforts de relier d’une part les valeurs affichées de la liberté d'expression, de la laïcité, leurs fondations historiques, leurs traductions légales, et d’autre part la situation de la France décrite sous les projecteurs branchés ces jours derniers. Que dire de notre peuple bigarré qui s'interroge sur l'ensemble des valeurs de la démocratie, la laïcité, la liberté mais aussi l'égalité, la fraternité, sur la manière dont leur respect est transmis à nos jeunes par l'éducation, sur la façon dont les croyances des uns et des autres s'en accommodent dans la vie quotidienne?
Une chose est sûre, à mon sens, rien ne pourra s'arranger durablement si nous ne bifurquons pas résolument "vers une autre civilisation que celle de la priorité donnée à la performance technico-économique. Il est urgent d'organiser la grande transition sociétale vers une civilisation de convivialité".
Toutes les nations pourront alors construire un monde vivable en évitant la tentation de restaurer des configurations nationales anciennes que les évolutions survenues depuis des lustres rendent explosives.
Il faut compléter la déclaration universelle des droits individuels par une déclaration universelle d’interdépendance généralisée. C’est le sous-titre du manifeste convivialiste proposé par une soixantaine d’auteurs. Convivalisme est le nom donné à tout ce qui dans les doctrines existantes, laïques ou religieuses concourt à la recherche des principes permettant aux êtres humains à la fois de rivaliser et de coopérer, dans la pleine conscience de la finitude des ressources naturelles et dans le souci partagé du soin du monde. Il retient le plus précieux de chacune des doctrines héritées : ce qui permet de comprendre comment maîtriser le conflit, pour éviter qu’il ne dégénère en violence. Ce principe d’opposition maîtrisée entre les groupes et aussi entre les individus suppose un principe d’autonomisation possible de chacun. Celle-ci doit rester limitée par le respect de l’autre, par la confection d’un nous selon un principe de commune socialité. Tout ceci peut être fondé sur la reconnaissance de ce que nous sommes une seule humanité vivante et participante de la vie de la terre et de l’univers.
Au-delà de ce fonds commun, libre à chacun, à chaque groupe de spécifier plus avant ses règles de vie et ses croyances, mais ce fonds commun est indispensable pour relancer le progrès en humanité de notre espèce et nous sortir du piège où nous nous débattons.
Marc Humbert
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Maintenant, aller plus loin.
Extraits de l’éditorial signé François Régis Hutin, Ouest-France 12 janvier 2015La France était dans la rue, hier, […]. La France attaquée s'est retrouvée unie, rassemblée autour de la défense des libertés : liberté d'expression, liberté de conscience, droit de vivre dans la paix en assumant nos différences, notre diversité. […]Les Français ont fait preuve de sagesse de lucidité, de convivialité. […]. Hier, la protestation à Paris et dans de très nombreuses villes était celle de toute l'Union européenne […], au-delà de l'Europe, de nombreux pays se sont sentis concernés, bien sûr grâce à leur amitié pour la France, mais aussi pour d'autres raisons qui ne sont ni sentimentales ni politiques, mais d'ordre éthique.
Ce sont des raisons éthiques qui les ont réunis : volonté de faire vivre ensemble leurs nations, sans guerre ni terrorisme […]Maintenant, il nous faudrait aller un peu plus loin, réfléchir à nos diversités nationales ou internationales […]pour aller au-delà, […]pour poser des jalons vers une autre civilisation que celle de la priorité donnée à la performance technico-économique. « Il est urgent d'organiser la grande transition sociétale vers une civilisation de convivialité(1) . »
(1) Vers une civilisation de convivialité, Marc Humbert, édition Goater.
Voir la page de Ouest France avec ce texte
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Pour un progrès économique durable
Tribune publiée par Ouest-France le mardi 6 janvier 2015version pdf
Formulons des vœux de progrès pour cette économie dont dépend notre vie quotidienne. Voici quelques souhaits de progrès, pour mieux nous nourrir, nous loger, utiliser l’énergie, nous transporter, investir, répartir.
En premier, que l’agriculture et l’élevage nous nourrissent de mieux en mieux, de manière plus saine, en préservant la nature. Que les subventions soient orientées vers les productions réalisées avec peu d’ingrédients chimiques, que ces productions soient dirigées par les besoins des consommateurs de proximité. Gardons une ceinture verte à nos villes, installons-y des maraîchers, multiplions les jardins collectifs ; avec cet ensemble créateurs d’emplois et de ressources, nous serons mieux alimentés, notre santé en bénéficiera et la Sécurité sociale aussi.
En deuxième restructurons l’habitat ; au-delà d’une source encore plus grande d’emplois et de revenus c’est une réponse décisive au défi de la transition énergétique. Habitats pour tous, individuels ou collectifs, immeubles de travail, de loisir; ouvrons le grand chantier qui peut faire de chaque bâtiment une unité à énergie positive.
En troisième, multiplions la production d’énergies nouvelles, source d’emplois locaux et d’amélioration climatique, dans un schéma décentralisé avec des échanges énergétiques horizontaux sur le mode internet (voir les travaux de l'essayistee Jérémy Rifkin, spécialiste de prospective).
En quatrième, transportons-nous autrement, par co-voiturage, certes, mais aussi restructurons les villes pour les vélos, les transports en commun en réduisant l’usage de la voiture et des camions au strict nécessaire. Sans revenir à la traction à cheval (voir les jardins publics de Lyon), certains transports (de pondéreux, ou de voyageurs qui prendraient le temps) pourraient à nouveau se faire, par péniche, à la voile et par dirigeable.
Cessons ensuite de faire comme si la cotation boursière en continu des actions, le maintien des paradis fiscaux et la non séparation entre banques de dépôts et banques d’affaires favoriseraient les meilleurs investissements. Comparons ce que nous avons fait sans- les Trente glorieuses- et ce que nous faisons avec : des années désastreuses.
Supprimons ces innovations néfastes qui ne profitent qu’aux financiers et aux spéculateurs et établissons les règles indispensables pour que la finance joue son rôle d’être au service de l’économie réelle en faisant les investissements nécessaires aux vrais progrès économiques.
Enfin, partageons mieux ce qui est le produit de l’activité de chacun selon ses capacités. Améliorons le sort des moins bien lotis, sans les soupçonner de profiter des soutiens pour ne pas fournir d’effort ; évitons les trop hautes rémunérations qui fuient la fiscalité et abondent les placements financiers désertant l’économie réelle.
Suivons le conseil du Nobel Joseph Stiglitz (le prix de l’inégalité) qui soutient que réduire les inégalités est bénéfique à l’économie. Commençons dès 2015 et ceci, joint aux autres souhaits, contribuera à un progrès économique durable.
Marc Humbert
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