L’Internationale Convivialiste publie chez Actes Sud le 12 février 2020
le Second Manifeste Convivialiste - Vers un monde post-néolibéral,
avec près de 300 signatures d’intellectuels de 33 pays.
Des publications en différentes langues suivront dans l’année.
Vous pouvez en visualiser la couverture ici
et en lire un extrait ici
En ce début de 2020, Macron semble préserver l’unité de sa majorité et du crédo libéral pas très social, mais quand même. Laurent Berger a montré jusqu'où l’on peut essayer de résister à la version à droite toute en préservant la croyance illusoire que les bons résultats du CAC 40 (les meilleures cotations depuis 12 ans) permettront des ruissellements pour le plus grand nombre. Les promesses acceptées ont peu de chances d’être tenues, mais on va passer bientôt aux municipales et à une séquence plus délicate. Il n’est pas encore écrit qu’En Marche prenne pied largement dans les communes.
Mais pour ceux qui aimeraient plus de justice sociale, plus d’humanité, il est désolant de voir qu’il n’y a pas de quoi débloquer la situation. Trouver une issue pour sortir de la régression sociale que combattent les mouvements sociaux et dont s'indignent les citoyens. Il manque d’une offre politique alternative regroupée avec une mobilisation massive. Qui à la fois apporte une perspective longue de tension vers des sociétés conviviales et de propositions de grands chantiers pour reconstruire la vie. Reconstruire les conditions de notre travail, nos contributions à cette vie ensemble, et établir dans ces nouvelles conditions le cadre législatif qui nous émancipe nos vies des puissances centrées sur l’efficacité monétaire ; rassembler toutes les bonnes volontés qui visent à mettre en en place plus de justice sociale – et écologique-, c’est-à-dire une grande restructuration qui nous fasse produire proprement et sobrement pour les besoins d’une vie digne pour toutes et tous.
Mais pour cela, il faut que les forces du progrès social et écologique se retrouvent dans la définition d’un même projet à proposer pour cette indispensable reconstruction de la société. Avec l’affirmation des mêmes valeurs et d’un même logiciel partagé. L’Internationale Convivialiste s’est efforcée de synthétiser ce que sont ces idées communes, le cœur de ce qui nous est commun et autour duquel il faut se rassembler avec certes nos différences, pour être en capacité de renverser l’ordre néolibéral.
La grande idée qui de fait synthétise l’idéal de la République toujours écartelée entre liberté, fraternité, égalité, faire tenir les trois ensemble, c’est l’idée de convivialité ! Et la convivialité est au convivialisme ce que la pratique est aux principes qui permettent de la mettre en œuvre.
Vous pouvez lire un résumé de ce manifeste ici
et réserver un exemplaire chez votre libraire habituel.
En ce début 2019, la présidence Macron fait face à une petite tempête. Ce n’est pas véritablement un clivage à référence idéologique qui fait tanguer Macron à quelques mois de la fin de sa deuxième année de mandat. C’est un mouvement ni droite ni gauche qui le bouscule pour ce qui peut être dénommé son biais en faveur des élites économiques et technologiques (pas tellement culturelles). D’une certaine manière c’est une réussite pour lui : cela entérine la fin du clivage droite gauche. Mais c’est malheureusement dans la ligne de cette régression politique qui ramène la contestation au rang des jacqueries accompagnées de leurs excès quand le peuple mécontent n’a plus de véritable interlocuteur disposant d’un peu de pouvoir, entre lui et le chef suprême. Quand on abolit le politique, il reste la violence, de l’Etat, de la rue.
On n’a jamais eu en France, depuis la seconde guerre mondiale, de mouvement social amenant autant de blessés -plus de 1 600 à la mi-janvier- dans les rangs des manifestants. Ils ont été notamment victimes des Lanceurs de Balles de Défense (LBD 40) et des grenades de désencerclement et 94 ont été blessés très gravement : éborgnés, mutilés avec une main arrachée etc. Les forces de l’ordre ont annoncé 1 000 blessés dans leurs rangs, mais n’ont pas donné de précision, toutefois il est notoire que les blessés graves y sont peu nombreux. Les armes qu’ils emploient telles que les deux mentionnées ne sont utilisées en Europe que par la France seule et ne semblent pas être des armes pertinentes pour maintenir l’ordre en temps normal. Le défenseur de droits a demandé, en vain, leur interdiction. Les forces de l’ordre ont été jusqu’à déployer des tanks dans Paris. Certes au-delà des défilés de manifestants il y a eu des violences contre les mobiliers urbains et contre les commerces à Paris et dans de nombreuses villes. Des violences considérablement destructives, de la part de certains Gilets Jaunes et surtout de la part de groupes de casseurs qui se joignent aux manifestants pour lancer des projectiles contre les forces de l’ordre et casser des matériels. Si le 13ème samedi de manifestation (le 9 février) a encore été comptabilisé un chiffre de plus de 50 000 manifestants, ils n’étaient que quelques milliers à Paris où n’osent plus s’aventurer les Gilets Jaunes souhaitant manifester pacifiquement.
Et en ce début février, le parlement discute d’un renforcement d’une loi anti-casseur qui permettrait au préfet d’arrêter préventivement, pour qu’elle ne puisse manifester, toute personne qu’il soupçonnerait de vouloir le faire de manière violente. On a le sentiment d’un Etat qui veut garder et renforcer son monopole de la violence publique.
Macron doit aussi faire face à ce qui derrière ces manifestations est une menace de rupture de la part de la France profonde. Comment en est-on arrivé là et quelle pourrait être l’issue ?
Même s’il prétend qu’il n’est guère responsable de la situation de la France profonde qui est l’héritage de ses prédécesseurs, en fait c’est bien lui qui a déclenché sa colère parce qu’il a tourné le dos à la méthode de ses prédécesseurs, sur deux points.
Depuis toujours, même après 1958 quand il est devenu plus qu’un arbitre, le Président de la République Française se tenait au-dessus de la mêlée des différences, pour être le président de tous les Français représentant la France dans sa diversité et sa permanence. La voie d’une rupture a été ouverte par la réduction à 5 ans du mandat de président à partir de 2002 et la possibilité de concorder ainsi l’exécutif et le législatif, c’est-à-dire d’avoir durant 5 ans les mêmes députés élus dans la foulée pour accompagner le président, et un premier ministre « délégué » pour administrer le programme. Macron a bien endossé ce costume du président jupitérien selon le qualificatif choisi par lui-même.
C’est que, bénéficiant de circonstances politiciennes favorables, il a réussi à « enlever » la France à la hussarde, à se constituer une assemblée de partisans élus pour être son soutien au cours des 5 ans de son mandat. Il a en outre proclamé, comme si la France tout entière l’avait élu, l’avait choisi, que les Français attendaient qu’il applique son programme. Et qu’il était donc de son devoir de l’appliquer quelles que soient les critiques des divers courants politiques et syndicaux : il les écoute à l’occasion mais entend bien garder son cap et il ne délibère avec personne.
C’est vrai qu’il a su charmer au-delà de la petite minorité qui a effectivement voté pour lui et pour son programme. La satisfaction des Français exprimée par les sondages l’a conforté dans sa volonté d’avancer selon le modèle qu’il s’est donné. En juillet 2017, deux mois après les élections les Français sont satisfaits à 56%. Puis la satisfaction chute à 40% en août. Mais elle remonte à 52% en décembre 2017. Il me semble que ces enquêtes révèlent surtout l’impression donnée par le Président, par sa personne, par sa présence dans les médias, sur la croyance en son discours, plus encore que sur une évaluation de l’impact de son action sur la situation des personnes interrogées. Par sa présence médiatique et une certaine maîtrise de la politique spectacle il parvient à remonter dans les sondages. Mais la situation de la France profonde ne s’améliore pas, bien au contraire et les sondages reprennent leur baisse à la moindre anicroche dans le spectacle. En novembre 2018, avant même la grogne des Gilets Jaunes, Macron est tombé à 26% de satisfaits. A vrai dire c’est moins bas que les profondeurs atteintes par d’autres dans le passé : Hollande descendit à 4%. Mais nul avant lui n’a connu ces gilets jaunes qui en ont fait leur cible principale de contestation, demandant son départ.
Dans le passé, les désaccords entre une partie croissante des Français et leur Président élu tenaient à l’insuffisance de performance eu-égard à des promesses bienveillantes. Par exemple de ne pas réaliser l’inversion de la courbe du chômage pour Hollande qui avait lui-même défini ce critère pour juger son action. Mais si des Français étaient opposés à leur président, c’était pour partie, dans une opposition classique droite-gauche et pour ne pas le réélire et voter pour un autre et pour d’autres aux élections locales etc. Mais la dimension d’une opposition personnelle était suffisamment réduite, ce qui fait que Sarkozy, à l’issue d’un premier mandant a pu chercher à être à nouveau président de tous les Français, même si, au moment d’être candidat il n’y avait que 31% qui se disaient satisfaits de son mandat. Certes il n’a pas été réélu mais il n’a pas été distancé d’une manière qui aurait témoigné d’un rejet massif de sa personne.
Ici la position de Macron est différente. La France profonde qu’il a cru avoir conquise demande le divorce. La France des gilets jaunes ne veut pas rentrer à la maison. Une bonne part des Français modestes, une part non négligeable des Français moyens approuvent. A 60% encore début février 2019. Si Macron ne montre pas vraiment qui a sa préférence : eux ou ceux de l’ISF et du CICE, ils n’ont pas l’intention de cesser de manifester. Quand la CSG augmente pour eux, la flat tax réduit l’impôt de ceux qui bénéficient des dividendes des grandes entreprises du CAC 40 dont les énormes profits se sont accrus. Accrus grâce au travail de tous sans que la courbe de la croissance nationale ne s’envole et sans que celle du chômage se retourne vraiment. Et les paradis fiscaux continuent de prospérer et les plus riches de s’enrichir. C’est une injustice, une sorte d’infidélité ressentie gravement par la France profonde.
C’est la première fois que le peuple met sur le président une étiquette qui stigmatise le fait qu’il n’apparait pas être le président de tous les Français, mais plutôt le président d’une caste plus que d’une classe, le président des riches. C’est aussi que c’est la première fois qu’un président traite le petit peuple de France avec arrogance. Jacques Chirac voulait éviter la fracture sociale et Jean-Pierre Raffarin se souciait de la France d’en bas et des territoires. Et de droite ou de gauche, depuis 1958, tous les gouvernements ont proclamé se préoccuper de tous, des difficultés de chacun. Nul n’a eu cette idée nouvelle- quoi que certains aient pu en penser- de les admonester publiquement pour les rendre responsables de leur sort. « Faites 40 km pour aller chercher du travail plutôt que de faire la grève ! Traverser au moins la rue pour chercher du boulot, c’est facile ! Arrêtez de vous plaindre, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour le pays ! »
D’une attitude bienveillante et encourageante qui se veut destinée à tous, on est passé avec Macron à l’exercice d’une pression et d’une incitation qui discriminent entre, d’une part l’élite méritante des entreprises et des premiers de cordée et, d’autre part, les gens de peu, salariés et bénéficiaires de dépenses sociales. Le tout avec cette hauteur de l’expert qui a réponse à tout et renvoie le commun à ce qu’il est, un « membre de ceux qui ne sont rien ». Gérard Collomb, avant de quitter le bateau en octobre 2018, n’avait pas manqué d’essayer de tirer la sonnette d’alarme début septembre, pour recommander au Président plus de modestie et d’écoute. En vain.
Les Français moyens et modestes sont bousculés par cette attitude incompréhensible qui leur fait porter la responsabilité des difficultés qui sont les leurs alors qu’ils voient les entreprises du CAC 40 faire des profits importants distribués en dividendes, les hauts salaires ne pas être limités et les paradis fiscaux continuer de prospérer. Ce n’est certes pas que leurs difficultés matérielles viennent juste d’apparaître, elles n’ont fait qu’empirer depuis longtemps.
Mais les gouvernements antérieurs, compatissaient pour le moins à leur souffrance. Derrière des discours différents, modulés par les alternances droite-gauche au pouvoir depuis 1958, mais alignés depuis 1986 sur les mêmes théories « néo-libérales », tous les gouvernements, jusqu’à celui d’aujourd’hui, ont eu la même attitude générale à l’égard de la population. Ils maintenaient, autant que faire se peut, le discours de l’Etat-providence organisant la solidarité collective qui permette à (presque) tous de vivre dignement. Certes de médiocres performances économiques ont dégradé progressivement le niveau de soutien, mais tous les gouvernements assuraient la population de leurs efforts. Sarkozy promettait en 2017 qu’il irait chercher la croissance avec les dents.
Ainsi les dépenses publiques sociales et de santé qui représentaient 20% du PIB en 1980, ont atteint plus de 32% en 2016. Grâce à ces dépenses, en France le taux de pauvreté est un des plus faibles en Europe et dans le monde. Droite et gauche au pouvoir ont continué d’accroître l’ensemble des dépenses publiques : de 52% du PIB en 20017 elles sont montées à 56,7% en 2016. Droite et gauche ont maintenu à 6 millions le nombre de fonctionnaires. Avec 8,9 employés du secteur public pour 100 habitants, nous dépassons à peine la moyenne des pays de l’OCDE qui est 8,2 et nous sommes loin des pays scandinaves (par exemple 15,9 en Norvège).
Et les Français étaient plutôt satisfaits de leurs services publics comme en témoigne l’enquête OCDE pour l’année 2016. Au moins autant que dans la moyenne des pays de l’OCDE et même plus satisfaits, pour certains services. 78% de Français sont satisfaits de leurs services de santé contre 70% dans les pays OCDE, 70% de Français satisfaits de leurs transports publics contre 67,3% dans les pays de l’OCDE.
Macron a décidé de tourner le dos à cette méthode. Il a des idées claires de bon gestionnaire sur le diagnostic de l’état de la France et sur les remèdes à lui administrer. Tout d’abord il a annoncé et pris une série de mesures de réductions des dépenses et de relèvement des prélèvements. La volonté est clairement affichée de réduire la voilure de l’Etat. Réduire le nombre de fonctionnaires, réduire les emplois aidés réduire les établissements de santé, judiciaires non rentables dans les territoires éloignés, réformer la sncf (vers sa privatisation). Augmentation de la CSG et un ensemble de mesures qu’une étude de novembre 2018 (Le Figaro Magazine, 23/11/18) évaluait comme ajoutant un fardeau de 12 milliards d’euros sur les ménages.
Dans le même temps, si les services publics satisfont encore les usagers, les « producteurs » de ces services continuent de s’inquiéter de la dégradation de leurs conditions de travail et de la dégradation du service qu’ils peuvent rendre. Sur une partie du territoire la palette des services publics s’est réduite, et ils sont de moins en moins accessibles de manière égale pour tous, en premier pour des Français moyens et modestes.
Mais Macron a les yeux ailleurs, sur son cap et sa méthode dont il est sûr. Il faut que les premiers de cordée soient encore plus musclés – c’est à dire plus riches- dans la compétition internationale, et capables d’investir, que soient aidées les initiatives dans les technologies avancées qui pourraient faire de la France une start-up nation. Que les coûts pour les entreprises – et donc le coût des salaires plus charges etc. du travail- baisse et qu’il soit plus facile de licencier et d’embaucher en cdd. Ains la croissance reviendra. Tout cela finira par bénéficier à tous. Entre temps il faut cesser de donner de l’argent n’importe comment - « un pognon de dingue » - sans résultat. Bref « en même temps » Macron rompt avec l’Etat providence organisé par tous ses prédécesseurs.
Mieux vaudrait que chacun se prenne en main à l’exemple des premiers de cordée. Tel Macron ils se sont faits tout seuls, grâce à leur courage, à leurs efforts et leur énergie. Il faut soutenir ces meilleurs, de leurs succès découleront des bienfaits pour tout le pays. Alors que le slogan de la politique spectacle « make our planet great again » est oublié, et que l’absence de réelle volonté de Macron de vraiment lancer la transition écologique a entraîné la démission de Nicolas Hulot fin août 2018, il n’est pas banal que les Français modestes se soient rebiffés à l’occasion de l’augmentation de la taxe carbone sur les carburants dont le principe avait été posé par Hulot dans le passé. C’est en effet cette « goutte d’eau » qui a fait déborder le vase. Trop c’est trop, nous n’arrivons plus à vivre. Un nombre important de Français modestes vivant dans des territoires ruraux, et qui finissent difficilement le mois, ont ressenti l’augmentation de la facture carburant comme un étranglement. Le mouvement s’est amorcé et la colère s’est enflammée : elle avait des tonnes de bois sec pour l’alimenter. Des ronds-points ont été bloqués un peu partout en France, puis ont été organisées des manifestations du samedi à Paris et dans de nombreuses villes.
Commencé le 17 novembre, le mouvement s’est poursuivi avec selon les sondages l’approbation des ¾ des Français. Macron a attendu jusqu’au 10 décembre pour réagir officiellement dans une allocution. Il annonce quelques mesures alors que ses violons ne semblent guère accordés avec ceux du premier ministre et du gouvernement. L’objectif est d’essayer d’arrêter le mouvement des Gilets jaunes qui n’en finit pas alors que l’opposition à la loi travail ou à la réforme de la sncf s’étaient arrêtées sans qu’il bouge d’un iota. Ce 10 décembre, après s’être dit jusque-là opposé à tout retrait de la taxe carbone, il annonce sa suppression, mais le maintien de l’ISF, et quelques mesures : la suppression de la CSG pour les petites retraites et principalement une augmentation de 100 euros des salariés au SMIC. La mise en œuvre de cette mesure a montré qu’il ne s’agissait en rien d’une augmentation du SMIC. Les Gilets jaunes, non satisfaits de l’ensemble, ont poursuivi leur mouvement.
Macron a donc imaginé une autre manœuvre et lors de ses vœux au pays, le 31 décembre, il a annoncé qu’il écrirait une lettre à tous les Français et qu’il organiserait un grand débat national du 15 janvier au 15 mars pour répondre à la crise des Gilets jaunes.
Ce grand débat a été effectivement mis en place à l’initiative du Président qui a publié le 11 janvier sa lettre aux Français, en ciblant 4 thèmes pour cadrer ce dont il leur faut débattre, et ce sur quoi faire des propositions, Il faut que tout ce qui a été dit remonte jusqu’à lui pour être analysé sous le contrôle (?) de cinq garants afin d’en établir un nouveau pacte économique et social. A mi-parcours les médias ont surtout couvert des heures de débat…entre Macron et des assemblées de maires, puis des assemblées plus larges. Il fait des performances physiques et intellectuelles où il répond parfois pendant sept heures d’affilée à leurs questions, de préférence autour des 4 thèmes qu’il a choisis : la transition écologique, la fiscalité et les dépenses publiques, la démocratie et la citoyenneté, l’organisation de l’Etat et des services publics. Ces performances ont été diffusées en direct sur les télés, deux fois par semaine environ. C’est à n’en pas douter cela qui a fait remonter sa popularité. Tombé à 23% de satisfaits en décembre 2018, il est remonté à 34% - c’est-à-dire symétriquement que 66% des Français désapprouvent son action.
Mais ses débats ne sont pas « Le grand débat national » puisqu’il a été défini pour que les Français débattent entre eux sans intervention des ministres et du président. Qu’ils débattent entre eux ou tout simplement que chaque Français puisse s’exprimer. Un site internet y a été dédié permettant de contribuer en ligne. Tout un chacun peut organiser une réunion « locale » et la déclarer sur le site et y restituer ce qui s’est dit. Au 10 février, 5892 « évènements » sont répertoriés (le premier a eu lieu le 17 janvier).
En pratique, beaucoup de mairies avaient mis en place bien avant l’annonce du grand débat, des cahiers de doléances afin que les multiples raisons de la colère de la France profonde, des Français moyens et modestes puissent s’exprimer. Depuis le 15 janvier nombre de maires organisent ces assemblées en essayant de faire en sorte que chacun puisse y prendre la parole et qu’un secrétariat assure que soient notées toutes les revendications et les suggestions pour les faire remonter au gouvernement, au président. Officiellement il est prévu d’organiser des conférences régionales citoyennes avec des citoyens tirés au sort. Tout se passe dans une grande confusion.
Les Gilets jaunes continuent de refuser toute verticalité, c’est un mouvement « horizontal » où s’il y a eu des « lanceurs » et si certains donnent des interviews sur des médias, nul n’est leader. Ce sont des groupes via Facebook qui organisent de multiples manifestations à Paris et en province. Tous ne sont pas d’accord sur tout, loin s’en faut, mais il y a une commune défiance vis-à-vis de la politique, et pas seulement du gouvernement et du président actuel ; tous ceux qui sont entendus affichent une volonté de ne pas être récupérés par un « parti » ou un autre. Une tentative de former une liste de Gilets jaunes pour les élections européennes de mai 2019 coexiste avec des tentatives non abouties jusque-là, mais manifeste, de plusieurs partis d’afficher des candidats portant un Gilet jaune dans leur liste pour ces élections.
En supposant que des mesures soient prises qui apaisent la colère des Gilets jaunes, ne seront pas pour autant apaisées les banlieues et la question des jeunes de ces quartiers dont on ne parle guère en ce moment. Resteront en suspens, de même les problèmes liés à l’immigration et à la laïcité sont hors du champ des Gilets jaunes. De même les Gilets jaunes sont dans un esprit d’amélioration du sort qui est le leur mais on leur entend rarement évoquer l’organisation d’un grand projet de transition écologique. Ils focalisent beaucoup sur les injustices dont ils se sentent victimes, principalement fiscale avec l’ISF dont ils veulent la suppression, mais aussi l’injustice territoriale qui fait qu’il n’y a plus un accès égal à tous les services publics sur l’ensemble du sol national. Enfin tous veulent être mieux écoutés – et non pas admonestés- et pour cela réclament la mise en place d’un système de référendum d’initiative citoyenne. Leur but général est d’améliorer la vie quotidienne de tout un chacun et de pouvoir contrôler que les décisions des gouvernants ne dérapent pas dans un sens qui leur est négatif.
Beaucoup considèrent que tout ce qui peut résoudre la crise est donc déjà connu, si ce n’est dans les détails. Macron semble vouloir utiliser le débat pour légitimer quelques mesures liées à l’écologie et faire passer ses idées sur la réforme institutionnelle. Il semble prêt à céder sur quelques mesures de justice, par exemple sanctionner les riches qui n’investissent pas ou ne paient pas les impôts dûs – par exemple en obligeant les dirigeants des grandes entreprises françaises à être fiscalement domiciliés en France- mais il est apparemment peu enclin à revenir sur ce qui est un symbole fort pour les Gilets Jaunes ; la suppression de l’ISF. Certains de ses députés préparent une loi de réforme de l’ISF pour lui permettre une demi-mesure tandis qu’il fait évaluer la pertinence de la réforme qu’il en avait faite. « En même temps » les services de Bercy ont montré (en février) que l’instauration de l’ISF n’avait pas été un facteur d’augmentation de l’exil fiscal…
Reculera-t-il pourtant à nouveau ? Comment fera-t-il la synthèse, c’est-à-dire choisira-t-il et comment certaines parmi les milliers de suggestions qui remonteront ? En ce début de février il laissait entendre qu’il pourrait organiser un référendum à plusieurs questions, concernant donc quelques mesures à prendre ou non ? Il était aussi question de peut-être coupler ce référendum avec les élections européennes ce qui pourrait augmenter la participation à ces élections de plus en plus délaissées par les électeurs (42,6% de votants en 2014).
Mais que peut-on attendre sérieusement ? On ne peut retourner à l’Etat-providence qui bute au moins sur l’anémie de la croissance. Mettre plus de justice fiscale bute sur le crédo de Macron selon lequel les riches ne pourraient alors plus investir et laisser espérer un petit peu de croissance. Le plus vraisemblable est que Macron va essayer de se monter assez habile pour ne céder presque rien dans ces deux directions et d’offrir en échange des modifications institutionnelles : de la proportionnelle pour élire moins de députés et moins de sénateurs, des formes de consultations potentielles proches des RIC.
A supposer que le référendum fasse approuver à 60% ou plus quelques mesures et qu’elles soient prises par Macron, le voilà relégitimé face au Gilets Jaunes. La tentative de conciliation constituée par ce grand débat national aura abouti à demander à la France profonde de rentrer à la maison et permettra à Macron de poursuivre son modèle.
Ce qui ne résoudra évidemment rien. Les dépenses accrues de l’Etat et le pouvoir d’achat distribué pourraient provoquer une embellie de la croissance, plus ou moins importante selon le contexte international et calmer de fait la grogne. La suite serait la reprise d’une administration technocratique du pays selon le même modèle, dans une absence de vie politique démocratique saine et un face à face entre un pseudo-monarque et le peuple. Ce scénario n’a rien d’assuré, il pourrait être cependant ou conforté ou mis à mal par les élections au parlement européen, selon les scores des uns et des autres.
Pour le moment la période est diantrement confuse. Macron face au Rassemblement national, semble se rapprocher d’une Droite qui ne dit pas non, tandis que la gauche et les écologistes sont à hue et à dia, incapables d’avoir une ligne de pensée commune et par suite une ligne d’action. Nul leader politique n’émerge du lot, et par suite se multiplient des tentatives d’attirer à soi ce qui est estimé être le peuple de gauche, vraiment progressiste, ou à défaut il y a des tentatives de coalition. Mélenchon et les communistes refusent de faire cause commune, Jadot ne veut plus allier les Verts à l’ex candidat Hamon et son nouveau parti Générations, ce qui reste du PS a perdu l’espoir d’une tête de liste de Ségolène Royal puisque les écologistes n’ont pas voulu non plus de cette alliance-là. L’intellectuel Raphaël Glucksmann a lancé un nouveau parti Place Publique, identifiant dix combats communs à toute la gauche et aux écologistes pour les européennes et justifiant une liste commune. Il semble peu vraisemblable qu’il y parvienne. Pourtant les sondages du moment (fin janvier 2019) montrent qu’ensemble ils feraient 28% (8% la France Insoumise et 8% Les Verts, 6% PS, 4% Générations et PC 2%) soit un peu moins que Rassemblement National (22%) + Debout la France (7%) qui font 29%, moins que les 32% de la République en Marche-Modem (20%) si elle s’allie au LR (12%).
Bien des choses peuvent survenir dans les mois qui viennent mais il semble fort vraisemblable qu’en l’absence d’un leader tant chez les Gilets Jaune que chez la gauche politique, le devant de la scène reste à Macron et la contestation politique monopolisée par l’extrême droite. Autant dire que la France, comme depuis le deuxième tour de 2017, risque de rester soumise au néolibéralisme macronien et n’avoir d’autre perspective politique alternative que le populisme nationaliste du Rassemblement National allié à Debout la France.
Marc Humbert
Professeur d’économie politique à l’université de Rennes. Convivialiste.
Le 10 février 2019
Après six mois de présidence se posait déjà la question du dévoiement de la démocratie et de la transformation de la scène politique en spectacle médiatique. Après un an, deux caractéristiques s’affirment. Elles font de notre président un fauteur habile de régression politique, économique et sociale. Cette année confirme en effet d’une part une méthode non démocratique de gouvernement plutôt caractéristique d’un monde très ancien, pré-moderne. D’autre part, il a engagé fermement la mise au pas de la société française selon le schéma imaginé par les libéraux de la société du Mont pèlerin qu’Hayek avait constituée en 1947 en réaction à la généralisation du keynésianisme. En oubliant l’écologie.
Macron suit la méthode que Margaret Thatcher a affinée progressivement, à compter de sa prise de pouvoir en mai 1979. Cette voie empruntée à travers le monde entier, n’y a certes ni restauré une forte croissance – mais n’a pas endigué le productivisme-extractivisme-, ni permis la réduction des inégalités. Elle a plutôt provoqué leur aggravation avec plus de pauvreté et une hyper-concentration des richesses.
Modifiant l’ISF, Macron a offert 7 milliards d’euros aux plus riches et par la « flat tax » à 30% sur les revenus du capital, est devenu à l’évidence le président des « hyper » riches. Macron pousse en outre à aller toujours plus loin pour flexibiliser le travail et les travailleurs. Il déstabilise les institutions de la représentation sociale, il incite à la mobilité permanente, préférant l’ubérisation des emplois à des statuts rigides correspondants à des métiers. Il glorifie la liberté en jouant sur le thème de la concurrence, une concurrence illusoire. Il souligne l’efficacité monétaire qu’elle permet, mais sans reconnaître que ses bénéfices sont captés pour partie par les premiers de cordée et surtout par les actionnaires directement et en sus, indirectement, par les hyper-riches via les paradis fiscaux.
L’analyse non partisane de la situation politique doit remarquer qu’Emmanuel Macron s’est porté à la présidence en perpétrant une opération de type coup d’Etat, certes en respectant les lois mais en contournant les institutions supposées démocratiques en place et destinées à encadrer l’élection du chef de l’Etat.
Nous avons un système de démocratie représentative avec des corps intermédiaire et ce sont les partis politiques qui désignent leurs candidats, d’une manière ou d’une autre. Les principaux partis en étaient venus à imaginer la nécessité d’organiser des primaires. Le paysage politique opposant la droite à la gauche était là avec des assemblées tenues très majoritairement par la gauche aux niveaux national, régional, départemental. On pouvait s’attendre à ce que le large mécontentement vis-à-vis du quinquennat de Hollande conduise au retour de la droite au pouvoir.
Ce mouvement de balancier pouvait être atténué dans son ampleur par une candidature de renouveau à gauche. Macron, hors de tout parti, a anticipé l’impossible réélection de Hollande. Comme le montre l’analyse de ses comptes de campagne, plus d’un an avant sa sortie du gouvernement, il prépare sa tentative de coup populiste au centre appuyé par les milieux d’affaires. Avec l’aide de ceux qu’il faut bien appeler des comploteurs, comme Gérard Collomb, il a mis en place une stratégie de prise de pouvoir à la hussarde. Certes il a bénéficié de circonstances favorables qui ne lui doivent rien. En particulier la tentative parallèle de Mélenchon de coup populiste à gauche, non finançable sur le même pied et qui n’a pu entraîner toute la gauche. Une partie de la gauche sociale libérale ou centriste pouvait donc imaginer en Macron le successeur caché de Hollande. Il s’en est mollement défendu. Et de l’autre côté, il a profité de la défaite de Juppé et de ce qu’une partie de la droite, au rythme des péripéties grotesques de la campagne de Fillion, a imaginé infiltrer les novices d’en marche. Ces plutôt jeunes, recrutés parmi ceux qui réussissent et qui voient leur avenir économique de manière positive, branchés et modernes, espèrent dans ce président jeune et dynamique. Il a promis de libérer les initiatives, de récompenser ceux qui réussissent et néanmoins, bien sûr, de se soucier de ceux qui sont au bord de la route mais qui doivent faire les efforts nécessaires pour s’en sortir.
Les circonstances aidant, la réussite a été, de justesse, au rendez-vous du plus gros budget dépensé pendant la campagne. Passer le premier tour et ensuite obtenir l’élection avec un soutien loin d’être majoritaire et qui ne permet en aucune manière au président Macron de répéter comme il le fait qu’il a été élu pour appliquer son programme.
Au premier tour ¾ des électeurs inscrits sont allés voter et le candidat Macron a glané 24% des voix soit un peu plus de 18% de l’électorat, profitant d’une campagne électorale rocambolesque. Au deuxième tour 66% des électeurs se sont exprimés, avec un taux record de blancs ou nuls. Le vote en sa faveur n’a alors été le fait que de 25% des votants. Ils se répartissent ainsi selon un sondage IPSOS/SOPRA/STERIA :15% pour le renouvellement politique qu’il représente, 7% pour son programme, 3% pour sa personnalité. Bref seuls 7% des votants l’ont élu pour qu’il applique son programme.
L’assemblée qui le soutient est issue là encore d’un mouvement peu démocratique. Lors des législatives, moins de la moitié des Français sont allés voter au premier tour, moins de 43% au second tour. La domination écrasante au parlement des députés de la République en marche, qui soutient les réformes décidées en petit comité autour du président Macron, n’a donc pas obtenu le soutien populaire qui est prétendu. Certes les élus en marche n’avait en général pas de mandat des électeurs locaux autre que de soutenir Macron.
Le Président Macron est donc celui d’une régression démocratique.
Il impose ses réformes sans discussions et négociations préalables. Quand un rapport technique lui est remis, il en tire argument pour en prendre les éléments principaux et les inscrire dans une loi de réforme. Ces éléments avaient été pour le moins suggérés au rapporteur, à partir du programme du candidat Macron, puisqu’il va répétant : je fais ce que j’ai dit que je ferai. Et il n’entend pas, semble-t-il, en bouger d’un iota, même si manifestement, ce n’est pas pour appliquer ce programme qu’il a reçu les voix suffisantes pour être élu.
Quand la réforme est préparée, tous les éléments ne sont pas publiés, mais sur la plupart des grandes lignes, il ouvre une période de concertation. C’est-à-dire que les représentants des syndicats, des ong, sont invités à venir présenter leurs remarques, leurs demandes de modification. Ils sont écoutés, mais il ne s’agit pas de négocier la construction de la reforme sur tel ou tel sujet. Ensuite le parlement doit entériner. Au plus vite quand on utilise les ordonnances Pour la réforme du travail (janvier 2018) et en avril pour la réforme de la sncf, dont la deuxième partie sera sur ordonnances. Avec la loi sur l’immigration, il y a débat, même au sein de ceux qui doivent leur mandat de député à la blitz-election de Macron : un nombre important d’entre eux rechignent.
Pour accomplir cette réduction de l’importance des corps intermédiaires, il contourne le rôle des syndicats en ayant introduit cette possibilité de référendum dans les entreprises. A Air France, les salariés ont cependant en quelque sorte entériné ce que les syndicats demandaient et le pdg désavoué par le non à son référendum, a démissionné. Et il veut réduire l’importance de la représentation nationale, diminuer l’importances des députés, en en réduisant le nombre : ils deviendront moins que jamais en contact avec leurs électeurs qui ne seront plus vraiment leurs mandants. Comme c’est déjà le cas pour les députés européens, dont on ne fera plus de listes régionales, il n’y aura plus que des listes nationales. On voit clairement que tout cela ne rapproche ni le gouvernement du peuple et de ses représentants, ni l’Europe du citoyen de base.
La modernité avait apporté la démocratie, et le libéralisme politique a donné la souveraineté au peuple qui la délègue à des représentants, révocables. Sur des questions aussi fondamentales que l’organisation du travail de tout un chacun, ou de la réforme d’un service public de transport que l’on peut considérer comme essentiel, peut-on approuver que les orientations et les décisions soient le seul fait du Prince ? Cela est pourtant ce que le président Macron impose aux Français, ce qui est indubitablement une procédure archaïque.
Le peuple français supposé mandant de Macron est en fait largement dépouillé de toute possibilité de discuter et encore moins de contester ce que décide le président Macron. Aussi commence-t-il à grogner. Mais il est en quelque sorte secoué de toutes parts, de manière différente, et pas suffisamment pour aller massivement dans la rue. Mais les protestations ponctuelles se multiplient. Le président après avoir annoncé que sa parole serait rare surtout aux journalistes qui ne comprennent pas sa pensée complexe a changé de tactique.
Il a décidé de parler directement – même via les médias- au peuple, en essayant de s’en rapprocher. Il montre sa compassion, froide certes, pour les moments un peu difficiles qu’il lui impose pour son bien. Compassion vis-à-vis des cheminots. Il remercie les retraités pour leur contribution à la csg. Et en même temps il montre sa détermination, en usant de la force et en musclant la loi contre les migrants. Après un recul sur le projet de Notre Dame des Landes, l’intransigeance sur le futur des lieux inutiles maintenant pour ce projet, a amené des opérations de police de type militaire. Le président chef des armées a montré ses muscles aussi en Syrie, tandis que les forces françaises en Afrique sont à la peine. Il parle d’égal à égal avec Trump ou Poutine.
Macron est drapé dans la tenue du chef suprême, qui redresse le pays, puis prendra soin, une fois le bon fonctionnement restauré, de ceux qui n’auraient pu malgré leurs efforts, améliorer leur situation durant cette première période de remise en ordre. A voir, mais les éléments mis en place depuis un an ont provoqué une évolution négative difficilement réversible.
Cinquante ans après, mai 1968 résonne encore. De toute la force émotionnelle et symbolique qui a traversé une partie de la planète. Les sociétés ébranlées, n’ont pu prendre le tournant dont ces manifestations montraient l’impérieuse nécessité. Au contraire les sociétés ont foncé dans une voie en impasse où elles se sont engagées en suivant les recettes de Mme Thatcher. La France résistait à s’impliquer totalement sur ce chemin. Macron s’emploie à faire sauter ces résistances pour propulser la société française sur cette voie sans issue qu’il vante en montrant les premiers de cordée qui escaladent des sommets et en faisant rêver d’intelligence artificielle et d’un monde nouveau qui fleure bon la science-fiction.
Sur le travail, il tente de briser les forces syndicales, ce qui est dans la ligne directe de Thatcher. Il le fait après avoir fait éclater les partis politiques et en se référant à l’Allemagne. Pourquoi l’Allemagne ? Parce qu’elle est LA puissance économique européenne, la seule qui fasse à elle seule de l’Europe la première puissance commerciale du Monde. La France tentant d’être – avec la Grande Bretagne qui vient de quitter l’Europe- LA puissance militaire européenne la seule qui compte avec les Etats-Unis…
Pourtant si on s’intéresse à la réduction de la pauvreté, on pourrait trouver mieux comme référence. En Allemagne la pauvreté reste aujourd’hui plus importante qu’en France. Que l’on choisisse comme référence le taux de 60%, de 50% ou de 40% du revenu médian, en France le % de pauvres est nettement plus faible qu’en Allemagne. Mais là n’est pas le focus. Le chômage officiel a été bien réduit en Allemagne et la recette technique semble être la méthode allemande de Hartz, baisser le coût du travail, réduire le nombre des fonctionnaires et les rigidités statutaires.
Baisser le coût du travail est donc le leitmotiv de Macron. Pourtant, toujours dans la comparaison, on remarque que la performance de l’industrie Allemande ne peut être mise sur le compte du niveau de salaire et des cotisations sociales : au 4ème trimestre 2017, le coût horaire chargé dans l’industrie manufacturière était de 38,7 euros en France et de 41,8 euros en Allemagne. Dans le même temps l’excédent commercial extérieur allemand, supérieur à celui de la Chine, représente 8% de son PIB (trop élevé, les règles européennes le plafonnent à 6%), essentiellement de produits industriels. Alors que la France est en déficit. La différence tient à ce que vendent les Allemands, des produits réalisés avec beaucoup de R&D. Depuis des années ils dépensent en R&D, au total et en % de leur PIB, beaucoup plus que la France : presque 3% aujourd’hui quand nous sommes légèrement au-dessus de 2%. Et si nous pouvons rêver d’intelligence artificielle, très concrètement l’Allemagne est le quatrième fabricant mondial de robots (nous en fabriquons 7 fois moins) et dans l’industrie allemande il y a 301 robots pour 10 000 travailleurs quand ce taux est de 127 en France.
La formation est une clé de la maternelle à la recherche en passant par l’apprentissage. Le dynamisme ancien de l’apprentissage et des formations professionnelles comparé à la France est bien connu, le fait qu’il y ait un enseignant pour 9 enfants à la maternelle en Allemagne, mais un enseignant pour 29 enfants en France l’est moins. L’écart est criant. Bref s’attaquer au travail, sans mesures fortes pour la recherche et l’enseignement ne permettront pas à Macron de nous faire rattraper l’Allemagne. En revanche la loi travail, la disparition d’une partie de l’ISF (soit 7 milliards), la flat tax pour les revenus du capital de 30% sont là des mesures qui favorisent les plus riches et l’aggravation des inégalités.
Surtout qu’elles ont déjà été complétées par la CSG pour les retraités qui touchent plus de 1300 euros par mois, et par la réduction de l’APL. La seule mesure positive pour les ménages moyens est la promesse de suppression de la taxe d’habitation qui devrait concerner 80% des ménages en 2020. Peut-être y en aura-t-il d’autres. Son slogan était qu’il protégerait, après avoir libéré. Enfin, en principe, il fait tout cela en même temps. Cependant il faut observer qu’il s’attache surtout jusqu’ici à libérer, côté économie. Pour les questions concernant les mœurs, la laïcité, il n’a pas encore montré ses réformes.
Il s’est attaché principalement à libérer les forces de l’entreprise, les forces des premiers de cordée, l’investissement que peuvent réaliser les capitalistes. Et il s’efforce d’ouvrir pleinement la France au jeu de la concurrence. Il faut donc transformer la SNCF en société anonyme, laisser partout faire le libre jeu de la concurrence. Concurrence est un beau mot qui sent son 19ème siècle. Il semble la clé pour permettre aujourd’hui la petite start-up, innovante et inventive comme il signifiait la liberté pour toutes les PME selon Mme Thatcher.
Mais la réalité de monde d’aujourd’hui c’est une compétition à tout prix, avec des firmes géantes qui ne s’embarrassent pas de fair-play et qui ont les soutiens de leurs Etats pour faire condamner les autres dans des tribunaux d’arbitrage ou ailleurs. Voire pour intervenir dans les élections. Les tribunaux américains ont condamné quelques firmes et banques françaises qui ne respectaient pas les interdits commerciaux du gouvernement américain.
Et dans l’intelligence artificielle qui va nous emmener dans un monde meilleur, quelle concurrence ! Une vrai « pseudo » concurrence, avec des monopoles mondiaux qui gouvernent nos vies. Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, sont des firmes hyper-géantes, qui organisent nos sociétés, sans aucun contrôle démocratique. Ils optimisent – ou/et cachent- le placement de leurs profits. Des gains réalisés par la privatisation de ce que sont nos biens communs – et en premier nos données personnelles- dont la gestion est abandonnée.
La compétition de ces firmes américaines et du gouvernement américain, les stratégies chinoises sont des politiques agressives de promotion de leurs économies nationales. L’Europe puissance commerciale, c’est l’Allemagne. La France et son déficit, brandissent cependant l’étendard du libre-échange. Y compris quand notre agriculture où entre autres les protections sanitaires sont en jeu. Ainsi, bien que l’opinion publique y soit largement défavorable, le président Macron s’apprête à faire adopter le CETA et voudrait retailler un traité avec les Etats-Unis malgré les mesures unilatérales de protection prises par Trump.
Plus largement Macron ne s’est manifestement pas tourné vers l’écologie et la transition nécessaire qui pourraient redonner une vision et un espoir aux Français : pas un mot sur cette question dans ses deux interviews successifs d’avril 2018.Malgré un habile traitement médiatique des accords de Paris sur le climat, le bilan français comme mondial est décevant.
Sur l’Europe, quelles que soient les options, on ne peut guère trouver d’avancée ; là certains l’attendaient sur l’euro ou pour organiser avec l’Allemagne un meilleur accueil des réfugiés. C’est ici encore tout le contraire qui est offert avec cette incroyable loi concernant l’immigrant qui a remué jusqu’à certaines bonnes consciences des députés d’en marche.
Si la croissance mondiale et européenne se maintient – tant que la bulle financière n’éclate pas- la petite croissance française se maintiendra elle aussi, à moins que les mécontentements sociaux s’amplifient.
Mais la régression politique : la démocratie remplacée par la technocratie pilotée par un pouvoir quasi-monarchique, et la régression économico-sociale : l’aggravation des inégalités avec l’essor des hyper-riches, vont se poursuivre. La marche en avant vers l’humanité augmentée balbutie aux Etats-Unis et en Chine : Macron rêve d’y accrocher quelques wagons français. Ainsi la désolation du déclin économique et social commencé par Sarkozy et continué par Hollande se meut en rêve de futur de science-fiction pour les plus geeks et les plus riches.
Mais on est loin d’avancer en tenant compte de la vision qu’avait exprimée après mai 1968 Paul Ricoeur, supposé maître à penser de Macron- et où manquait la dimension écologique qui est venu accroître l’impérieuse nécessité de vraies réformes, progressives.
« l’Occident est entré dans une révolution culturelle (…) C’est une révolution culturelle parce qu’elle met en cause la vision du monde, la conception de la vie sous-jacente à l’économique, au politique et à l’ensemble des rapports humains. Cette révolution attaque le capitalisme non seulement parce qu’il échoue à réaliser la justice sociale mais aussi parce qu’il réussit trop bien à séduire les hommes* »
Tout est à refaire. Et ce ne sont ni les travailleurs ubérisés et sous-payés ni les robots anthropoïdes ou algorithmiques qui le feront. Ceux-là sont dénués d’émotions, rationnels et efficaces. Si « en même temps » qu’ils travaillent, ils nous donnaient les moyens de vivre, humainement, en prenant soin les uns des autres ? Mais mettre la technique au service de l’humain ne peut se faire en cherchant son efficacité maximum, promise par une « pseudo » concurrence au service du capital sous toutes ses formes et de son accumulation. Il est encore temps de penser autrement la façon de changer ce qui doit l’être. C’est ce que proposent les convivialistes.
* Paul Ricoeur, Réforme et révolution à l’Université, Revue Esprit 1968
Marc Humbert
Professeur d’économie politique à l’université de Rennes 1. Convivialiste.
Le 7 mai 2018
Une analyse non partisane de la situation politique est possible, elle est au moins aussi nécessaire pour comprendre l’évolution en cours de notre société que les analyses qui se font du point de vue des anciens partis majeurs, comme le PS, le LR ou des partis nouveaux comme EM et la France insoumise pour ne pas mentionner d’autres anciens partis comme le PC, le FN, les RG etc…. L’analyse ci-après, sans prétention d’être complète ou synthétique, aligne une série de remarques qui sont des interrogations plus que des affirmations.
Vers le technocratisme ?
1) Il y a des changements objectifs dont on peut se demander s’ils sont temporaires ou non et quel sera leur impact sur notre quotidien, aujourd’hui et demain. Le premier est la recomposition du groupe usuellement assez stable, sur une à deux décennies, des personnes connues pour leur engagement politique et occupant la scène médiatique, localement et nationalement avec des fréquences certes variables de passage sur les différents médias. Nous allons apprendre à les connaître et ils auront les moyens d’influer sur notre quotidien. Cette recomposition a deux dimensions.
2) La première concerne le fait pas tant que seule une partie de ce groupe est encore là, mais que celles qui demeurent sont souvent des personnes qui ne semblent pas « fidèles » à leur parti d’avant . Avant, appartenir à un parti signifiait faire un distinguo clair entre les discussions internes et la défense de la ligne du parti à l’extérieur, parce que l’appartenance au parti reposait sur des éléments idéologiques, des convictions de base fortes et porteuses d’enjeux de société. Il fallait rester soudés, même sur les points non fondamentaux. Sur ceux-là, on se mettait d’accord en adoptant une position commune, selon un processus respectant certaines règles propres à chaque parti. Avant la ligne de chaque parti était claire. Et l’objectif était de « prendre le pouvoir » pour mettre en application ce qui découlait des convictions de base.
3) A vrai dire « Avant » n’est peut-être pas avant mai-juin 2017. Il faudrait faire un retour arrière assez long pour montrer que depuis pas mal de temps ces lignes partisanes ne sont plus bien claires. La droite depuis longtemps diverse, s’est, pour une part peut-être majeure dans l’opinion, modernisée, humanisée, quand la gauche, elle aussi diverse de longue date, a fait naître en son sein une part devenue « de gouvernement », peu étatiste. Bref, la droite et la gauche ont maintenu la fiction d’une France coupée en deux blocs, s’opposant sur tout face au public, prenant le pouvoir en alternance. Mais en fait chaque bloc avait connu un processus nourrissant la montée, au sein de chacun, d’une « division » bien forte et proche de l’autre sur presque tous les sujets : la droite libérale moderniste humaniste et européiste et la gauche de gouvernement socio-libérale tout aussi européiste.
4) Emmanuel Macron a fait en quelque sorte le pari de mettre les électeurs, charmés par l’un ou l’autre de ces courants, en marche ensemble sur un tandem improvisé. Libérez plus avec la promesse que ce « plus libéral », de droite, conduirait à un « plus de protection », de gauche, avec un programme a priori commençant avec la loi travail et la modernisation-moralisation de la vie politique. La protection venant après. En fait les ralliements attendus de membres de l’ancienne classe politique au mouvement EM ont été modestes : les défections socialistes rares, François Bayrou inespéré, et qui malgré son rôle qui a été crucial doit partir, car sous l’œil du soupçon étayé par les medias. Les ralliements de droite avaient été encore plus rares, mais la division avancée a obtenu de belles places dont la tête du gouvernement, et d’autres attendent en se contentant pour le moment de se montrer constructifs.
5) Que sait-on de la diversité des marcheurs mués en députés, et prêts eux à former la nouvelle élite associée au gouvernement– temporairement, au moins pour cinq ans, à l’assemblée nationale et puis avec les autres élections à venir, localement ? Des premiers échos, il semble qu’ils se targuent de compétences si ce n’est politiques, « techniques », acquises dans la "vraie vie" (non politique), soulignant l’importance des chefs d’entreprises et de la proportion de femmes en leur sein. EM est bien une technocratie et une construction technocratique de la politique : illustrée par la nomination aux affaires européennes de la directrice de l’ENA.
6) Les marcheurs se sont engagés à soutenir le président dans ses grands chantiers et en premier dans la réforme du code du travail et pour le reste ils pensent garder une certaine autonomie personnelle. La conviction qui les lie c’est qu’il faut libérer, réformer vite pour être efficace, pour avoir des résultats. En fait inverser la courbe du chômage et de la croissance, ce qui est le rêve « normal » de tout président qui veut être apprécié. La plupart des marcheurs n’étaient pas des élus locaux et n’ont pas fait beaucoup de réunions publiques ni de débats avec leurs concurrents. L’envie leur viendra peut-être en renouvelant la classe politique. Pour le moment, le pouvoir semble avoir été saisi faire une gestion « technique » de la crise économique et du chômage à l’aide de personnes qui amènent leurs expertises personnelles. Et qui sont rejointes de droite et de gauche par ceux qui partagent cette « priorité ».
Adieu aux idéologies, vive le spectacle populaire ?
7) Le deuxième changement tient dans la place du peuple dans ces changements. EM semble vouloir gouverner le peuple pour le peuple et pense que le peuple lui a donné mandat pour mener à bien ses cinq grands chantiers. Pour moraliser la vie politique on peut dire a priori qu’EM a raison. Peut—être a-t-il en tête qu’au-delà de la sanction des électeurs habitués à un élu à réélire, qu’au-delà de la sanction légale qu’appliquent les juges, il y a une certaine éthique exigée par la vox populi qui dit il y a des choses qui ne doivent pas se faire, des privilèges qui ne sont pas « justes ». On écouterait la vox populi, comme le projet EM serait issu d’une grande enquête menée par les marcheurs auprès des français (de manière tout à fait non scientifique, en tout cas non publiée). A première vue un grandiose micro-trottoir qui vaut bien les rencontres des candidats sur les marchés.
8) Les chantiers de simplification de la vie des PME et de dédoublement des classes d’école dans certaines zones ne susciteront certes pas que des débats techniques ; l’idée générale qui les soutend est certainement ressentie favorablement : la simplification administrative et le souci de l’éducation sont consensuels, reste à voir les modalités. Les deux autres chantiers concernent l’un la réforme du droit du travail, l’autre la refondation de l’Europe.
9) Dire que le peuple a donné mandat à EM de mener une profonde réforme du droit du travail me paraît inexact. Les votes Le Pen, Mélenchon, Hamon et quelques autres du premier tour étaient clairement hostiles à cela ; les péripéties de la Loi El Khomri l’avaient montré également. EM s’en fiche. Après consultation pour voir tout ce qui semble nécessaire pour bien libérer les facilités réclamées par les employeurs et ce qui semble nécessaire et possible de mettre comme « garde-fou » pour minimiser l’opposition sociale, EM veut passer en force en espérant une réussite rapide à l’Allemande : réduction du chômage, avec des emplois peu coûteux pour fourbir la croissance. Evidemment il y a un hic : cela fait des années que les entreprises allemandes fonctionnent dans un environnement nourri par 50% de plus de R&D en proportion du PIB qu’en France. La compétitivité n’est pas seulement dans le droit et le coût du travail dont s’accommodent très bien les entreprises étrangères déjà en France ou qui y investissent.
10) Sur la refondation de l’Europe, ici comme ailleurs à part sur la réforme du travail, rien n’est clair : que va lancer EM ? Si le peuple rêve encore d’Europe, ce n’est pas de celle que nous avons. Certes le peuple parait sentir que quitter les accords existants, quitter l’Euro pourrait être hasardeux, mais c’est parce que nous y paraissons pieds et poings liés, et certainement pas embarqués pour des opérations qui amèneraient des lendemains meilleurs. Il n’est pas sûr que sur toutes les questions européennes, les européistes de la droite modernisée et ceux de la gauche libérale de gouvernement aient les mêmes options. Que ce soit l’agriculture, l’immigration, la sécurité, la défense, les traités internationaux de commerce ou l’environnement. Et EM ne semble pas vouloir embarquer les Français, les Européens de base, dans des opérations faisables et capables de les mobiliser tout en paraissant prometteuses pour l’avenir.
11) L’entrée de Nicolas Hulot dans le gouvernement a mis l’éclairage sur la transition écologique qui pourrait devenir un nouveau domaine régalien ? Ce n’était pas visible dans l’EM de la présidentielle, mais cela est apparu après. La transition écologique pour laquelle EM n’a pas demandé de mandat ni annoncé de grand chantier a sa place dans l’imaginaire du peuple des électeurs, malgré les scores de misère des « écologistes ». Sur ce point une masse de non électeurs d’EM sont en espérance attentiste.
12) La place donnée au peuple, son rôle attribué, n’apparaissent pas bien importants. Les élus à l’assemblée l’ont été avec la plus forte abstention depuis plus d’un demi-siècle, ils forment donc un corps intermédiaire peu représentatif : si on retire également les blancs, le bloc majoritaire a été élu par un Français sur six. Ils ne semblent pas avoir l’intention de consulter leur base mais de faire bénéficier la France de leurs compétences. Le gouvernement va, pour le code du travail et autres peut-être, interroger les syndicats dits représentatifs qui eux- mêmes ne syndiquent pas un travailleur sur six. Difficile de soutenir l’idée qu’enfin le peuple est écouté. Les ordonnances sont réputées devoir être prises avant la fin de l’été. Le peuple appréciera à la rentrée. Les optimistes vont scruter la courbe du chômage – tous les trois mois seulement- et de la croissance. Les autres la montée des working poor et le déficit du commerce extérieur.
13) Il y aura aussi d’autres évènements heureux ou malheureux, pour distraire notre attention. Du Pain et des Jeux préconisait Néron pour occuper le peuple. EM se veut lui Jupiter. Nous aurons d’autres scènes après celle de Poutine à Versailles ou de la poignée de main à Trump. Il n’y a pas de raison que cela s’arrête. A côté de la gestion technocratique, EM c’est aussi la politique spectacle. La foule aime. Mais la foule ce n’est pas la démocratie et le pouvoir du peuple. Et Jupiter tonnera peut-être sur un thème ou un autre en fonction de l’actualité.
14) Est-ce la fin des clivages idéologiques qui seraient solubles dans l’espoir de la réussite technocratique ? N’y aurait-il plus que dans les extrêmes, le rêve et la revendication égalitariste universelle d’un côté et le rêve et la revendication égalitariste identitaire – en fait communautariste- de l’autre ? La France insoumise d’un côté, le FN de l’autre sont-ils des dinosaures ou bien la proportionnelle promise par EM va-t-elle les remettre en selle ? Ou bien auront-ils l’occasion lors de tel ou tel train de mesures heurtant leur idéologie et leurs convictions de mobiliser de manière importante dans la rue ?
Marc Humbert
Professeur d’économie politique à l’université de Rennes 1.
Le 22 juin 2017