Convivialism in English
TRIBUNE accueille ici mes points de vue convivialistes liés à l'actualité.
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Quel lien entre la question des retraites et le changement climatique ? »
« Le productivisme ! »
Retraites et réchauffement climatique
Publié le 7 février 2023 par Ouest-France télécharger le fac-simile en pdf ou le post d'altersocietalLa réforme des retraites provoque d’intenses discussions et une sorte de surchauffe sociale qui semble sans lien avec le réchauffement climatique. Pourtant, les deux « surchauffes » ont bien une origine commune. Quelques remarques permettent de suggérer quels sont leurs liens a priori invisibles.
Première remarque : des milliers de jeunes se sont mobilisés en hostilité à la réforme des retraites. Des jeunes qui pourraient prendre leur retraite au plus tôt vers… 2066 ! À ce moment, même si nos gouvernements prennent bien vite des mesures radicales, la température estivale moyenne sera souvent, y compris dans l’Ouest, supérieure à 40°.
Ce qui menace leur retraite, ce n’est pas telle ou telle réforme, c’est l’inaction climatique de la France, de l’Europe, du Monde. Ce qui pèse sur les générations futures, ce n’est pas tant le poids de la dette, c’est la menace d’une septième extinction. Sans parler, puisqu’il est convenu de reconnaître qu’il n’y a pas de risque zéro, de celui que fait monter la prolifération nucléaire envisagée comme une solution !
Nos jeunes veulent vivre et leur vie est menacée. Et notons comme deuxième remarque que beaucoup ne veulent pas travailler plus. Pourtant l’idéologie du travail est ancienne, née avec la révolution industrielle. Ses émules se sont appuyés sur la Bible : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton visage ». Et ils ont fait plier la classe ouvrière à qui il restait d’espérer le repos et le salut après la mort. Marx a dénoncé la religion comme l’opium du peuple mais le communisme a lui aussi entonné la chanson du productivisme.
Le productivisme fait de la nature une ressource à pressurer et a conduit au réchauffement climatique, à la crise écologique. Il a aussi transformé les personnes en ressources à exploiter. Il leur a imposé un travail subordonné, évalué comme n’importe quelle marchandise. Une quantité : la durée du travail, un prix : le salaire. Peu importe que l’Encyclique Rerum Novarum (1891) puis l’Organisation Internationale du Travail (1919) proclament « Le travail n’est pas une marchandise ». Affirmation ré-énoncée par Benoît XVI dans Amour et Vérité (2009) où il condamne ce « développement centré sur le travail, qui met la planète en danger et provoque une profonde crise culturelle et morale ».
Matières premières, équipements, travailleurs sont tenus pour des coûts à minimiser afin de produire efficacement. La résistance des travailleurs a obtenu la réduction du temps de travail, des protections sociales, des retraites, des augmentations de salaires. Concédées par les élites tant qu’elles ont vu croître les profits. Depuis 1990 que la croissance est en berne, elles détricotent les protections sociales. Pour que les grandes entreprises prospèrent et que grimpent les gains des 1 % les plus riches, il faut produire et vendre plus et que les masses travaillent plus et plus longtemps.
Enfin, notons que bien des jeunes pensent que c’est une aberration. Certes peu d’entre eux quittent le système et rejoignent la grande démission. Pour eux, pour tous, il faut réformer le travail, pas seulement les retraites. Refaire société autrement en articulation avec le reste de la nature. Pour une vie où la production n’est pas le but dominant comme le dénonçait André Gorz, trop tôt disparu et dont on fête le centième anniversaire. Et prendre soin des humains, de la naissance à la fin de vie, tout en respectant les autres vivants et la planète.
Marc Humbert, professeur émérite d’économie politique (Université de Rennes, Liris)
Président de l’association des convivialistes.
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Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, les progrès techniques, sociaux, politiques
laissaient espérer un avenir d’abondance et de paix.
Mais cette machinerie n’a pas tenu ses promesses.
« Une grande bifurcation s’impose ».
Vœux d’un bel avenir pour nos enfants à naître
Publié le 13 janvier 2023 par Ouest-France télécharger le fac-simile en pdf ou le post d'altersocietalUn monde bien meilleur dans cinquante ans ? Il faut y croire, y contribuer, même si les perspectives sont loin de celles vécues au sortir optimiste de la Seconde Guerre mondiale. La mise en place de l’Onu, la décolonisation et la promesse du développement faite au tiers-monde, l’apparition des avions à réaction et des fusées, des ordinateurs, des téléviseurs, la généralisation des téléphones, des automobiles et autres équipements ménagers, l’accès presque universel à l’éducation, à la démocratie et à la culture… Tout cela donnait à espérer des décennies de progrès matériels, de sérénité et de paix.
Beaucoup rêvaient même que l’on pourrait faire la synthèse des régimes capitalistes et communistes. Et les prévisions pour l’an 2000 faisaient entrevoir la possibilité d’une ère d’abondance et de paix universelles.
Trente ans plus tard, il a fallu constater que la machinerie de l’abondance et de la paix s’était bien enrayée et même pire : les avancées enthousiasmantes montraient déjà qu’elles ne pourraient se poursuivre et qu’elles n’avaient bénéficié qu’à une minorité privilégiée de l’humanité. Un demi-siècle encore plus tard, la voie que nous avons continué d’emprunter est clairement sans issue ou plutôt nous mène à l’extinction.
Une grande bifurcation s’impose. Qu’on choisisse d’organiser cette bifurcation ou qu’elle nous soit imposée par des catastrophes naturelles et des guerres. Il est donc raisonnable de former l’hypothèse qu’au bout d’un demi-siècle, sera accompli ce grand chambardement nécessaire. C’est alors un autre monde dans lequel auront à vivre nos enfants à naître. Comment et en quoi pourrait-il être bien meilleur ?
Il le sera si nous prenons des mesures radicales, sans trop tarder : sinon nous les prendrons forcés par la série de catastrophes de plus en plus terribles que nous réservent les vingt à trente années qui viennent. Il faudra prendre grand soin les uns des autres pour adoucir l’éco-anxiété envahissante, tout en abandonnant le productivisme et l’extractivisme.
Dés-accélération des rythmes de vie, recyclage systématique et réparabilité des outils nécessaires à nos réels besoins, sobriété industrielle et énergétique, consommations alimentaires, habillement et habitat, centrés sur le végétal… Toutes ces bifurcations entraîneront une souffrance certaine. Qu’il faudra soigner. Par la parole et l’attention.
Mais peu à peu la souffrance sera compensée par les plaisirs retrouvés de l’autoproduction – étendue, au-delà de la cuisine et du bricolage, au micro-jardinage et à l’artisanat diversifié. Et par le bonheur de renouer un lien fort avec notre milieu naturel, avec les autres vivants, les plantes, les fleurs, et les émotions esthétiques du paysage. Les relations de marchés anonymes et les relations humaines marchandes seront réduites, mais les relations humaines chaleureuses seront multipliées et redonneront à nos vies leur plénitude.
Dans cinquante ans aura repris un mouvement de civilisation centrée sur la culture ; nos enfants (encore à naître aujourd’hui) cultiveront l’art de vivre ensemble dans la convivialité. Ils trouveront étrange cette période 1970-2020 pendant laquelle l’humanité a dangereusement dérapé. Elle avait tout pour permettre à tous les humains de vivre dignement. Mais la démesure a emporté ses élites dans une compétition infernale qui a failli mener à l’extinction de l’espèce. Heureusement un sursaut aura pu se faire jour et nos enfants à naître vont poursuivre la participation de l’espèce à l’évolution de l’univers. Chers enfants à naître, tous mes vœux pour ce bel avenir !
Marc Humbert, professeur émérite d’économie politique (Université de Rennes, Liris)
Vice-président de l’association des convivialistes.
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